Dans l’après-midi du 5 décembre, quand j’étais en ville pour faire des commissions, je suis sortie du véhicule et j’ai soudainement senti que le vent avait changé de direction. Le vent arrivait du nord! Quel soulagement, et une joie m’envahissait! Ce changement était attendu depuis des semaines et c’était le dernier facteur important qu’il manquait pour que la baie gèle. Un vent de quelques jours consécutifs était primordial pour assurer que la glace soit bien solide et qu’elle ne parte pas à la dérive. Mère Nature a pris son temps cette année, mais elle a finalement bien fait ce qu’elle devait faire. À partir de cet après-midi-là et pour les quatre jours suivants, il y a eu un vent du nord entre 40 et 60 km/h, et ce, mélangé a un blizzard constant. Les conditions sont devenues tellement mauvaises qu’un soir la visibilité était complètement nulle. Je n’ai pas pu conduire mon camion pour retourner à ma cabine située à 20 km de la ville. Finalement, le matin du 7 décembre, la glace était bien formée! J’étais tellement heureuse pour ces ours polaires. Ils pouvaient enfin se promener sur la glace pour chasser les phoques!
Changement climatique
La glace était en retard d’environ trois semaines cette année. C’était apparemment causé par la fin d’El Niño/La Niña qui avait commencé en 2015. Le changement climatique crée des phénomènes météorologiques extrêmes et c’est vraiment difficile pour les ours polaires et leurs habitudes de vie. Depuis 1980, les fins de saison hivernale changent et la glace se brise deux à trois semaines plus tôt au printemps. C’est un défi pour les ours, car c’est la période la plus importante pour la chasse. De mars à juillet, c’est la période de chasse des bébés phoques qui sont des proies faciles pour les ours. Si les ours sont forcés de nager sur la côte au début mai, voire jusqu’en juin, cela diminue les chances de survie des jeunes et des vieux ours. Durant le dernier El Niño de 1998-1999, la population du côté ouest de la baie d’Hudson avait diminué de 20 % au cours de ces deux années. Les quinze années suivantes, la population a augmenté de presque 10 % et depuis ce temps, elle était stable. Cependant, si ces phénomènes continuent de se produire, le ratio de perte sur deux saisons comparativement au gain sur plusieurs saisons sera trop varié et cela ne représentera pas un futur prospère pour l’espèce.
Adaptation
Les ours de la baie d’Hudson semblent bien s’adapter aux changements climatiques. Il est maintenant possible de voir des ours polaires de la baie d’Ungava au nord-est du Québec pêcher l’omble chevalier comme les grizzlis le font si bien à l’ouest du Canada. Ce comportement n’avait pas été remarqué depuis les années 1880. Les ours ont également ajouté l’oie, les petits fruits et même parfois le caribou à leur diète d’été. Certains d’entre eux chassent le béluga. L’été dernier, j’ai eu la chance d’en observer un pendant deux heures. Il allait se positionner où un groupe de bélugas nageait et quand ils étaient en dessous de lui, il plongeait pour quelques minutes. Il semblait essayer de blesser un jeune béluga et par la suite la carcasse se ferait pousser sur la côte par la marée. Plus au nord, à Seal River Lodge, on a observé des ours qui s’assoyaient sur des roches sur le bord de la baie et lorsque des bélugas passaient à côté d’eux, ils leur sautaient sur le dos. Ces nouveaux comportements démontrent que l’ours polaire peut être opportuniste et cela est encourageant pour leur survie.
Chacune des saisons des ours polaires est différente. Elles procurent aux observateurs d’ours comme moi un lot d’émotions avec ses hauts et ses bas! Après un hiver, j’ai toujours hâte de voir lesquels des ours reviendront faire leur tournée à Churchill! Avec leurs cicatrices qui leur donnent un air unique, il est facile de les identifier. C’est comme un chenil de chiens, on finit par tous les reconnaître et c’est la même chose avec les ours. Il y en a certains que je ne reverrai jamais, et je me demande toujours où ils sont rendus… J’espère que mes articles vous ont donné le goût de prendre un jour du temps pour aller observer ce grand prédateur de l’Arctique… Prenez soin de vous cet hiver!