Ça fait maintenant presque vingt ans que je guide des expéditions de toutes sortes : canot, raft, trekking, observation d’animaux sauvages… Puis depuis 2010, chaque année avant l’arrivée de la glace sur la baie d’Hudson, je me déplace pour six à huit semaines dans la capitale mondiale des ours polaires qui se situe à Churchill, au Manitoba, pour la « saison des ours polaires ». Une place merveilleuse où l’on y retrouve des passionnés et experts en ours polaires. J’ai la chance de guider l’observation de ces majestueux rois nordiques et j’aimerais vous faire découvrir dans une série de cinq articles, ce petit coin de paradis, que je pense devrait être sur la Bucket List de tout le monde.
Les préparatifs
Chaque automne, après avoir cueilli mes dernières tomates de la saison, avoir préparé la maison pour l’hiver, avoir organisé mes bagages pour du plus 10 oC à du – 50 oC, je fais mes provisions pour les semaines qui s’en viennent avant mon départ pour Churchill. L’accès à cette communauté nordique se fait seulement par train ou par avion. Alors, pour une question de prix et d’accès à plus de variétés, j’achète une bonne partie de ma nourriture avant de partir, ainsi que certaines choses plus spécifiques comme des munitions ou des dissuasives pour les ours, comme des cartouches anti-ours et des fusées éclairantes anti-ours que je ne retrouverais pas nécessairement à Churchill. Puis à 2,30 $ le litre d’essence, si je pouvais, j’en apporterais bien quelques barils!

Grâce aux chroniques de Karine Genest, les ours blancs de Churchill n’auront plus de secrets pour vous! Photo: Karine Genest
J’apporte également toujours mon véhicule du Yukon à Churchill pour pouvoir guider mes tours. C’est le moyen qui revient quand même le plus économique jusqu’à présent.
Alors, une fois tout organisé pour mon départ et avec mon camion bien rempli de provisions, je prends la route avec mes quatre chiens et conduis 3 400 km du Yukon à Thompson au Manitoba, qui est le point le plus proche par route de Churchill. C’est à cet endroit que je mettrai mon camion dans le train de marchandises et que j’y aurai accès seulement trois jours plus tard, si tout va bien. Mes quatre chiens, mon partenaire et moi voyageons de nuit avec le train de passagers, un lieu de rassemblement, où j’y retrouverai des collègues de travail, de vieux amis, où j’y rencontrerai des touristes excités de voir leur premier ours polaire…
Le train
La voie ferrée est construite sur le pergélisol. À la fin des années 1800, les agriculteurs de l’Ouest canadien demandaient au gouvernement un trajet à un port plus près que celui du Saint-Laurent pour transporter le blé dédié à l’Europe. Quelques années plus tard, un nouveau port et une voie ferrée étaient construits à Churchill. La ville étant située à l’origine du côté ouest de la rivière Churchill, elle a été déplacée sur le côté est de la rivière qui est sa présente location aujourd’hui, pour accommoder les nouveaux établissements. La voie ferrée a été inaugurée le 10 septembre 1929 avec son premier train d’une série de plusieurs!
De Thompson à Churchill, ce sont 400 km de forêt boréale où l’on y croise quelques petits villages autochtones et qui se terminent sur un paysage magnifique de toundra côtière de l’arctique. Avec les changements climatiques et la fonte du pergélisol, le train a rencontré plusieurs obstacles depuis les dernières décennies, et la voix ferrée est très dure et dispendieuse à entretenir à cause du changement du terrain. Le circuit d’un minimum de quinze heures de train signifie une vitesse d’environ 30 km/h seulement dû à l’état de la voie ferrée chaotique. Ce qui est parfait pour chercher les animaux sauvages à l’extérieur, vous mettre à jour dans votre lecture ou sur les derniers potins de Churchill. J’adore aussi le mouvement constant de basculement qu’on ressent dans le train, c’est comme un gros berceau, ça m’aide beaucoup à m’endormir.
J’ai toujours hâte d’arriver à Churchill. Avoir la chance d’admirer les ours polaires m’apporte tellement un sentiment de bien-être et de moment présent… Je vous le souhaite également! Dans le prochain article, je vous expliquerai pourquoi Churchill est un lieu de rencontre annuel pour les ours, et comment la ville change avec la saison touristique. D’ici là, profitez bien du dehors.