le Samedi 14 décembre 2024
le Jeudi 24 octobre 2024 7:55 Économie

Combien ça rapporte une mine au Yukon?

La mine de Faro, qui a été l’une des plus grandes mines du monde de plomb et de zinc à ciel ouvert, a fermé en 1998. Aujourd’hui, c’est le site de l’un des projets d’assainissement de mines abandonnées parmi les plus complexes au Canada.  — Photo : Gwendoline Le Bomin
La mine de Faro, qui a été l’une des plus grandes mines du monde de plomb et de zinc à ciel ouvert, a fermé en 1998. Aujourd’hui, c’est le site de l’un des projets d’assainissement de mines abandonnées parmi les plus complexes au Canada.
Photo : Gwendoline Le Bomin
Représentant l’un des secteurs les plus importants de l’économie yukonnaise, l’industrie minière crée, directement et indirectement, de nombreux emplois et autres infrastructures. Mais combien rapportent réellement les mines au Yukon? Peut-on résumer leur activité en chiffres?

Ces dernières années, le gouvernement canadien martèle que les minéraux critiques sont l’avenir pour pallier le réchauffement climatique.

En effet, plusieurs composants que l’on trouve au territoire comme le cobalt, le cuivre, le molybdène, le nickel, les métaux du groupe du platine, le tungstène et le zinc sont utilisés dans les technologies d’énergie propre. Ils servent, entre autres, à la fabrication de véhicules électriques, de lignes de transport d’électricité et de batteries.

Samson Hartland, conseiller principal en relation avec les investisseurs au ministère du Développement économique du gouvernement du Yukon, ajoute qu’« il en va de même pour les énergies solaire et éolienne. Tout cela nécessite ces minéraux que nous tenons peut-être pour acquis dans notre vie quotidienne. Le Yukon abrite 27 des 34 minéraux essentiels figurant sur la liste d’inventaire fédérale », dit-il.

Entre 2011 et 2021, l’exploitation minière a contribué pour près de 2,64 milliards de dollars à l’économie du Yukon. En 2022, les secteurs de l’extraction minière, l’exploitation en carrière et l’extraction de pétrole et de gaz représentaient 15,1 % du PIB total au Yukon. Toutefois, en 2023, c’est le secteur qui a enregistré la plus forte baisse du PIB réel. Celui-ci a chuté de 3,2 millions de dollars par rapport à 2022.

Comment les mines contribuent-elles à l’économie?

L’exploitation des mines rapporte des redevances (royalties en anglais) au territoire et aux gouvernements des Premières Nations.

« Une redevance correspond à une portion des bénéfices d’une mine. Elle est payée au gouvernement du Yukon par l’exploitant d’une mine pour avoir le droit d’exploiter les ressources minières du Yukon. Il ne s’agit pas d’une taxe », peut-on lire sur le site du gouvernement.

Cet argent perçu est investi par la suite dans diverses infrastructures du territoire, la santé et dans d’autres programmes et ser- vices gouvernementaux.

Samson Hartland ajoute que « non seulement l’industrie de l’exploration minière créée des emplois, mais elle a aussi un effet multiplicateur sur l’économie. Par exemple, la mine Minto a généré 2,4 milliards de dollars de revenus au cours de sa durée de vie d’environ 15 ans. »

« Il faut compter également la création de divers contrats avec de petites entreprises en plus des emplois directs et indirects pour les personnes qui travaillent sur le site, par exemple, mais aussi pour les personnes qui s’occupent de l’expédition, celles qui fournissent l’équipement, qui effectuent les travaux d’exploration, les consultants qui produisent les rapports et les employés du gouvernement », informe le conseiller.

Le secteur minier contribue également à l’industrie hôtelière et à la vente au détail. « [Les employés] doivent tous se loger et dormir quelque part. Tout cela est incroyablement imbriqué dans l’économie et la vie quotidienne du Yukon, à tel point que les gens ne se rendent même pas compte de l’origine de ces moteurs économiques », estime Samson Hartland.

Finalement, « la croissance qui résulte de l’exploitation minière amène non seulement des investissements, mais aussi des gens sur le territoire », conclut-il.

Quels sont les défis?

Pour Samson Hartland, le principal défi est d’offrir des infrastructures adéquates. Il s’agit de fournir une production suffisante d’électricité pour alimenter une nouvelle mine, d’assurer l’acheminement des minéraux essentiels vers le marché par un port, par exemple, et de construire des routes pour les futures mines. D’ailleurs, il rapporte que le gouvernement travaille à la conclusion d’un accord avec Skagway et qu’il collabore aussi avec le gouvernement de la Colombie-Britannique en vue d’un raccordement au réseau.

Le second défi est relié au coût de l’activité. « Les coûts sont toujours plus élevés dans le Nord. Les personnes, les infrastructures, tous ces éléments coûtent plus cher et ont tendance à prendre plus de temps pour l’examen et la réglementation […] Est-il possible d’acheminer nos minéraux vers le marché à un prix abordable? Devons-nous parcourir toute la route de l’Alaska? Eh bien, ce n’est pas toujours efficace sur le plan énergétique. Il y a des émissions, des coûts, du temps », partage le conseiller.

Pour lui, le fait de se situer près de l’océan et des ports est un avantage stratégique. « Nous avons Skagway, par exemple. Nous avons donc un avantage concurrentiel dans l’Ouest, mais ce n’est pas sans incertitude », estime-t-il.

Les mines sont-elles finalement avantageuses financièrement?

Même si les mines rapportent des milliards de dollars au territoire, elles peuvent représenter un certain coût lorsque celles-ci ferment, par exemple.

Sebastian Jones est aujourd’hui analyste des poissons et de la faune à la Société de conservation du Yukon (SCY). Il est venu à l’origine au Yukon pour travailler à la mine de Faro. Selon lui, « ce qu’il faut retenir c’est que, presque sans exception, les grandes mines du Yukon se sont effondrées, soit physiquement, soit financièrement. Et le public du Yukon a fini par devoir payer pour le nettoyage, la remise en état. »

Il estime que les garanties financières que les mines doivent assurer au gouvernement en cas de fermeture ne suffisent pas à couvrir l’ensemble des coûts. Ce sera le cas de la mine Victoria Gold. « Les mines sont tenues de fournir une garantie, une caution, pour payer le nettoyage », rapporte-t-il. « Dans le cas de Victoria Gold, cela ne suffira pas, car il ne s’agira pas d’une fermeture et d’un nettoyage, mais de la réparation d’une catastrophe environnementale majeure. Cela représentera également un coût énorme pour le trésor public. »

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« Et si l’on compare tout cela au coût que ça représente pour le gouvernement, le nettoyage d’une mine, on se rend compte qu’il s’agit là d’une question d’argent. Les subventions qu’il peut accorder à une mine pour lui fournir de l’électricité, des routes et leur entretien, il est probable que le bilan soit négatif, que les mines représentent finalement un coût net pour le Yukon. »

« Il y aura toujours un coût chaque année pour s’occuper de cet endroit [la mine de Faro] », ajoute-t-il. « Même s’il s’agit simplement de garder un œil dessus et peut-être d’ajuster un niveau de produits chimiques et d’autres choses de ce genre. »

Bref, « les avantages que les mines apportent au Yukon sont moins tangibles, moins financiers », selon le spécialiste.

IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale

Pour Sebastian Jones, analyste des poissons et de la faune à la Société de conservation du Yukon (SCY), même si les mines rapportent des milliards de dollars en redevances, le coût de leur fermeture reste énorme pour le gouvernement qui prend, la plupart du temps, la responsabilité de les assainir.

Photo : Gwendoline Le Bomin

Des énergies vraiment vertes?

Sebastian Jones se montre dubitatif face au discours du gouvernement concernant la nécessité de technologies dites « propres » comme l’énergie éolienne et le solaire.

« La manière la plus récente dont les gouvernements ont justifié la destruction des campagnes à la recherche de minerais a été de dire qu’il y avait un besoin critique de minerais pour transformer notre économie en une économie verte. Et cela semble raisonnable. Sauf que jusqu’à ce que vous commenciez à vraiment l’examiner. Une économie vraiment verte serait donc une économie circulaire où les matériaux sont réutilisés, où il n’est pas nécessaire d’extraire de nouveaux minerais. »

Il doute également du réel besoin de ces minéraux. « Quand on regarde le temps qu’il faut pour développer une mine, depuis le moment où un prospecteur dit “je pense qu’il y a quelque chose ici” jusqu’au moment où l’on coule réellement du métal, il faut environ 30 ans. Il y avait un tas de choses il y a 30 ans qui n’existaient tout simplement pas aujourd’hui ». Il donne l’exemple de l’exploitation du charbon pour produire l’électricité.

« Nous parlons de la nécessité d’utiliser des minéraux dans les batteries, mais la technologie des batteries évolue également très rapidement. Il y a quelques années, les gens parlaient d’un besoin critique de cobalt dans les batteries, mais nous avons maintenant développé des batteries différentes qui n’utilisent pas vraiment de cobalt », constate-t-il.

Cet article s’inscrit dans une série pour mieux comprendre l’impact de l’industrie minière au Yukon. Le prochain article de cette série abordera l’enjeu social.