le Mardi 8 octobre 2024
le Jeudi 13 octobre 2022 4:24 Divers

L’inversement des pôles

Le saviez-vous? Le pôle Nord et le pôle Sud sont en train de s’inverser : un deviendra l’autre et vice-versa. Le basculement est d’ailleurs commencé. À preuve, le pôle Nord magnétique se déplace vers le pôle Sud de plus en plus vite, qui lui, remonte la grosse boule à la même vitesse.

Ironiquement, alors qu’on est en plein réchauffement planétaire (enfin, si on en sera toujours là dans nos convictions), une des conséquences prévues serait un refroidissement temporaire de la même boule. Pendant combien de temps? Ça veut dire quoi « temporaire » sur l’échelle du temps de la terre? Ça durera cinq ans, cinquante ou cinq cents ans? Ça, les experts ne le savent pas.

Apparemment, ça serait arrivé à plusieurs reprises dans des temps bien, bien anciens; longtemps, longtemps avant l’ère humaine. Quelque trois cents fois au cours des deux cents derniers millions d’années. Mais ça serait la première fois depuis le début de notre règne.

Je m’en ennuie des temps anciens. Pas des anciens anciens, mais de ceux d’il y a trois ans. De ceux où autour d’une table ou d’un feu, on pouvait passer une partie de la soirée à alterner entre faire les fous et de sérieuses discussions avant de recommencer à niaiser. Celui où, à la fin des veillées, on se quittait, enchantés, pour se retrouver la semaine suivante ou quand ça adonnait.

Puis, la COVID a tout mis ce social sur la glace le temps de nous débarrasser de cette pandémie.  Une fois sortis de l’œil du cyclone ou à peu près, on aurait pu s’attendre à ce que tout recommence comme avant. Et de fait, il y en a eu certaines de nos habitudes et certains de nos rituels qui, bien ancrés dans nos us et coutumes, sont revenus au galop. D’autres, peut-être un peu usés, ont disparu d’un coup sec ou, du moins, ont commencé à se retirer et aller s’installer confortablement dans le passé. Autres temps, autres mœurs.

Mais il y en a certaines de ces habitudes qui sont apparues par magie sans qu’on ne les ait vues venir. Il y a bien sûr le travail à domicile, ou télétravail, mais je veux parler d’un autre phénomène. Il avait évolué discrètement en vague de fond, semblant vouloir se diluer dans un avenir rapproché et qu’on n’en entende plus parler. Il a au contraire profité de la pandémie pour se fortifier et émerger en force majeure incontournable.

Il s’agit des opinions politiques et sociales, et de la manière de les communiquer. Terminées les discussions : maintenant, on a des positions.

M e semble qu’avant, on était à peu près tous d’accord au moins sur un point : « On voulait tous la justice sociale comme on aime la tarte aux pommes. » C’était sur les moyens pour y arriver où on pouvait diverger. Mais bon! Le lendemain, on se rappelait qu’on avait passé une maudite bonne veillée et notre amitié n’en était jamais entachée.

D’à peu près d’aussi loin que je m’en souvienne, je n’ai jamais été de ceux à rechercher dans mes relations uniquement ceux et celles partageant mes opinions. Il y avait de ça, c’est bien certain. Mais je pouvais aussi – et j’espère toujours le pouvoir – me lier d’amitié avec un voisin juste parce que c’est un voisin. Ou un compagnon de travail dont j’admire les compétences ou un autre plus limité parce qu’il apprécierait d’être aidé. Ou même un peu limité dans ses pensées juste parce qu’il est de grande amabilité. Ou encore un compagnon de chasse et pêche partageant les mêmes valeurs de bois, ou un autre avec qui j’aimais jouer au hockey. Et même, des fois, juste parce qu’untel désire notre amitié. Les gens de party sont toujours appréciés les fins de semaine.

On comprendra donc facilement que toute cette faune bigarrée l’est tout autant dans ses visions de la vie. Ça ne m’a jamais causé de problèmes, et à mes amis non plus.

Cette époque semble bien loin derrière. Dorénavant, on se braque rapidement. On détient la vérité et c’est nous insulter de même en douter. On se fait référer toutes sortes de sites de types dans leur sous-sol avec un micro pour nous la matraquer ladite vérité.

Le Yukon a attiré depuis la nuit des temps cette race de gens qui ont voulu s’éloigner le plus loin possible de l’intervention paternaliste de gouvernements. Des gens épris de liberté ne voulant qu’obéir aux seules lois implacables des vents, des saisons et de l’environnement, quitte à y passer.

Des survivalistes, il y en avait déjà quelques-uns dans le coin. Avec ça en tête, on ne sera pas surpris que cette faune indomptable ait vu d’un mauvais œil apparaître tous ces règlements pandémiques limitant à peu près tous nos mouvements.

Quand j’ai vu cette vague belliqueuse commencer à monter, je m’attendais aussi à y retrouver une bonne partie de mes compères avec qui je sillonne ces routes du Grand Nord. Eux pareils sont une espèce de rebelles sans cause. La plupart de ces truckers au sang farouche préfèrent risquer de s’engouffrer dans quelque blizzard plutôt que de farfiner en se pliant aux mœurs de la bonne société.

Avant, on ne parlait pas de politique sur le Dempster. Notre bonne entente était tellement plus importante. D’ailleurs, elle était loin de nous, la politique. Mais quand l’actualité a rejoint l’Arctique, eux non plus n’ont pas pris de temps pour choisir leur camp. La dernière fois qu’on était immobilisé par justement un de ces blizzards, je les entendais bien, certains de mes comparses, scander haut et fort les mots « liberté » ou « faudrait le tuer », sans plus aucune retenue. C’était du jamais vu.

C’est rendu une question de camp. « Dans quel camp es-tu? Dans le nôtre ou celui de l’ennemi? » Ça me rappelle les paroles célèbres d’un certain président : « Vous êtes avec nous ou contre nous. » Les zones franches disparaissent. L’ambiguïté est éliminée.

Honnêtement, je ne suis pas mieux. Je me suis déjà levé et j’ai sacré mon camp d’une soirée autour du feu parce que j’avais entendu quelqu’un prendre la défense de Trump. Je ne sais pas si c’est chimique comme réaction, mais entendre ce yuppie prétendre prendre la défense du citoyen ordinaire me fait dresser les cheveux sur la tête. J’ai ben de la misère à pas me braquer quand j’entends son nom.

De tout temps, les gouvernements – quels qu’ils soient – nous ont souvent caché la vérité. L’histoire nous a bien démontré qu’à maintes reprises il y a eu plein d’agendas cachés dans les messages divulgués pour favoriser un ami du parti ou quelconque sombre entité.

Un gouvernement, quel qu’il soit et pour quelque raison que ce soit, mentira au peuple. Par opportunisme ou corruption, ou simplement pour protéger le peuple de la vérité épeurante. À croire que le peuple la veut pas tant que ça, la vérité.

Ce sont les gauchistes qui, hier encore, scandaient à coups de pancartes et de manifs le mot « liberté ». Ils doutaient de tout en qualifiant tout gouvernement de mauvaise foi. Et il y avait de quoi. On n’a qu’à se rappeler la CIA avec Allende, ou la GRC qui faisait sauter des boîtes à malle.

Même chose pour le Rainbow Warrior. Et aujourd’hui? Exactement le contraire. Tout à coup, braqués contre les conspirationnistes, ils se mettent à croire tout ce que le gouvernement leur dit. Les complotistes, par contre, qui pour beaucoup étaient apolitiques et en gobaient un paquet pourvu qu’on leur foute la paix, sont maintenant montés aux barricades. L’antipode de Mai 68. Son pôle Sud. C’est le monde à l’envers.

Ça doit être l’inversement des pôles qui en est responsable.