le Mercredi 11 septembre 2024
le Jeudi 23 novembre 2023 7:40 Chroniques

Sauver mon âme, ça passe ou ça casse

  Photo : Pixabay
Photo : Pixabay
L’autre jour en fouillant dans mes notes, je suis tombé sur cette ébauche. Je ne sais pas comment j’avais abouti sur ce sujet. Ça n’a sûrement pas été écrit de bon matin comme je le fais habituellement.
Illustration : Yves Lafond

L’autre jour en fouillant dans mes notes, je suis tombé sur cette ébauche. Je ne sais pas comment j’avais abouti sur ce sujet. Ça n’a sûrement pas été écrit de bon matin comme je le fais habituellement. Ça semble plutôt provenir d’une fin de journée où quand il m’arrive parfois d’écrire des pensées, je me laisse aller sans trop me soucier où ça va mener. La plupart du temps, ça reste en plan et va rejoindre le tas d’autres pensées à moitié élaborées et pas toujours sensées. Quand je suis tombé sur celle-là, je ne me rappelle pas dans quel état d’âme j’étais, mais je suppose que j’étais plutôt léger. Après m’avoir fait sourire, j’ai décidé de finir de la fignoler avant de vous la livrer. La voici.

Imaginons pour un instant, juste un petit instant, qu’une fois parti, que la première étape après la vie, ça se passe un peu comme on nous l’avait prôné quand j’étais petit. De la manière que je l’ai appris, voilà ce que j’ai compris.

Tout de suite après avoir trépassé, avant qu’on ait eu le temps de comprendre ce qui vient de se passer, on atterrit devant un grand portail perché ben ben haut dans le ciel sur un très gros nuage. De là, on doit rencontrer nul autre que le grand Saint Pierre lui-même vêtu de sa grande toge et sa grande barbe, toutes les deux d’un blanc immaculé. Il tient dans ses mains un grand livre. Celui où sont compilés tous les faits et gestes de tous les humains vivant et ayant vécu sur terre. Pour ceux et celles ayant vécu ailleurs que sur la terre, je pense que c’est une autre cour de justice genre cour fédérale au lieu de provinciale. Parce qu’il ne faut pas se tromper, c’est ce que c’est.

Peu importe qu’on ait vécu dans la plus grande piété ou dans le péché jusqu’aux oreilles, on devra tous et toutes passer devant le bonhomme à la grande barbe et surtout au grand livre. C’est de ce livre qu’il faut se méfier. Paraitrait que tout y est noté. Vraiment? Même nos p’tits coups presque innocents? Les excusables comme « je pensais pas », « je savais pas! », ou le toujours classique « j’ai pas fait exprès », est-ce que ça vaut -1, -2 ou -3 points? Est-ce qu’il y a un système d’étoiles pour les bons coups? Genre, deux étoiles effacent combien de points négatifs? Est-il possible d’exprimer notre désaccord, surtout pour les « je savais pas! »? Parce que des fois, c’est vrai qu’on savait pas.

Ce que j’en comprends, c’est que suite à une compilation de tous nos bons coups et nos mauvais, l’honorable Saint Pierre effectue un calcul bien savant, genre binaire, quantique, galactique à n’y rien comprendre.

Selon que la calculette du juge suprême donne un résultat négatif ou un positif, c’est ou bedon tu passes la porte, ou bedon tu te fais mettre à la porte. Instantanément, tu dégringoles du nuage. Tu pars du plus haut des plus hauts pour aboutir dans le plus bas des plus bas jusqu’aux portes de l’enfer. Là, le processus de sélection est beaucoup moins compliqué. Tout le monde est bienvenu. Comme dans Hotel California.

Rendu là, pas de retour en arrière. En haut non plus d’ailleurs. Peu importe la porte, celle de l’enfer ou du paradis, une fois passée, c’est pour l’éternité. C’est pas pour rien que ça s’appelle « le jugement dernier ». Un jugement sans appel. Mais il y a quand même une procédure alternative avant le coup de marteau fatidique. C’est le purgatoire. Ça, on n’en parle pas beaucoup. Mais je pense qu’on devrait. Si j’ai bien saisi, c’est une espèce d’antichambre à mi-chemin entre le ciel et l’enfer. C’est là qu’on t’envoie quand ton dossier n’est pas assez clean. Un p’tit peu trop d’offenses. Mais elles ne sont pas si terribles. Presque rien. Que des péchés véniels. Très peu de péchés mortels. Pas assez grave pour t’envoyer flamber pour l’éternité. Mais pas assez bon non plus pour te faire passer la grande porte d’une traite.

Alors on t’envoie là pour un p’tit boutte. Pour réfléchiiirrr. Paraitrait selon le père Larochelle (un ancien prof du collééége) que le temps passe bien lentement dans cette salle que d’aucuns du métier appellent familièrement la « salle d’attente ». Mais on s’en sacre-tu que ça soit long? On a l’éternité. Surtout que selon les mêmes enseignements, après une bonne vie, on serait assis à la droite de Dieu pour la même é-ter-ni-té. « À faire quoi? » Rien! Juste être heureux d’être assis à côté de Dieu. Ah ouin? Assis à perpète à côté d’un vieux bonhomme à grande barbe qui est toujours full occupé à régler les problèmes de l’humanité? Et qu’il ne règle pas tant. Pas attirant. Pas pantoute. C’est pire que la prison c’te affaire-là. Hey! J’avais déjà de la misère à rester assis sans bouger entre deux périodes dans la cour de récréation.

Pis l’enfer elle? Pas très invitant non plus ce barbecue. Ça fait que… l’option purgatoire me semble une alternative raisonnable. Quelles en sont les règles autres que réfléchir à nos vieux péchés? Ça n’a jamais été trop clair. Il est difficile d’en apprendre exactement le fonctionnement. J’ai eu beau googler, je pense être tombé sur beaucoup de fake news.

Par contre, s’il y a une boîte de suggestions, j’en ai une à proposer. Pour vraiment bien analyser toute notre vie, afin de nous améliorer en prévision de la prochaine. Il devrait y avoir un genre de magnétoscope hyper sophistiqué. Sur une cassette, toute notre vie a été filmée. Et seul avec la manette dans une grande salle blanche, on pourrait voir et revoir à volonté tous nos péchés autant que nos bons coups, ainsi que toutes sortes de parties de notre vie. Ce VHS céleste aurait non seulement la capacité de nous montrer en rétrospective des segments de notre vie, mais de plus, nous les faire revivre en nous remettant dedans. On pourrait s’immerger dans l’état d’âme qui nous habitait à tel ou tel moment. Ça aiderait sûrement à comprendre certaines décisions justifiables ou non prises parfois sur le coup de l’émotion. Ça serait cool, non? Pour ma part, j’en profiterais sûrement pour aller revisiter non seulement les événements les plus marquants, mais aussi certains petits moments en apparence sans grande importance. Ceux-là où il ne se passe rien de spécial mais où on ressent un apaisement réconfortant nous envahir sans aucune raison particulière. M e connaissant, j’imagine que je rewinderais et rewinderais cent fois juste pour les revivre. Ou encore, je mettrais la machine sur pause juste pour m’imbiber le plus longtemps possible de cette douce sensation.

Et je rechercherais probablement certains autres moments de rien du tout perdus dans le dédale de la mémoire, juste pour raviver un coin de ma tête ou juste parce que je l’ai déjà vécu. Il ne faut pas oublier les situations contraires non plus. Pourquoi certaines fois je me sentais mal dans ma peau sans que là non plus rien ne vienne le justifier. Ai-je pris des décisions super stupides juste parce que j’étais frustré ce jour-là et que je voulais faire chier? Ça se peut. Sûrement que celles-là, les voir une fois seulement serait suffisant. On aime moins se faire rappeler nos mauvais coups.

En tout cas! Même si j’en doute, j’aimerais ben ça qu’elle existe cette machine. Ça serait utile. Pis le fun aussi. S’il y en a qui pensent comme moi, vous voterez pour à la prochaine assemblée du comité céleste.