« Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jean 20, 31) Difficile de croire sans avoir vu. Comment ce Jésus mort sur une croix peut-il nous apparaître si vivant au matin de Pâques derrière les portes verrouillées de nos prisons intérieures? Le signe qu’il donne à son disciple Thomas peut nos apparaître peu convaincant : les marques des clous dans ses mains et son côté. Il se fait reconnaître non pas par des signes éclatants de toute-puissance, mais par la marque de ses blessures.
Se peut-il alors que nos cicatrices humaines deviennent l’empreinte de Dieu dans nos vies? Notre premier réflexe quand on remarque une cicatrice sur quelqu’un, c’est de lui demander comment ça s’est produit. Le récit de nos blessures ou de nos épreuves manifeste déjà la dureté de la vie et le courage que ça peut prendre pour les traverser. L’histoire de la cicatrice révèle aussi la nôtre : notre passé, nos accidents de parcours, et parfois même comment on a pu frôler la mort. La blessure nous parle de nos souffrances.
Mais à bien y penser, la cicatrice peut aussi nous parler de nos histoires de guérison et de relèvement : comment as-tu guéri de cette blessure, de cette brûlure, de cette cassure qui s’est produite dans ta vie? C’est là que nous apparaît alors le récit d’un renouveau, d’un recommencement, d’un changement, d’une conversion. Si la blessure laisse des marques, la guérison dessine quant à elle une cicatrice de lumière, de force, de courage, de ténacité, de persévérance, de vie nouvelle.
Nous sommes invités à nous approcher de nos blessures intérieures pour mieux nous en libérer : les toucher avec compassion, les écouter avec bienveillance, les soigner avec douceur, les conforter avec tendresse. C’est avec patience et bonté que le temps fait son œuvre de guérison. Les cicatrices humaines deviennent ainsi l’empreinte d’une nouvelle vie où seul l’AMOUR nous guérit des violences et de la haine, du mépris et de l’indifférence, de nos deuils et de nos abandons, de la peur et du mal senti ou ressenti.
Puisque Thomas veut dire jumeau, pourrions-nous alors devenir le jumeau ou la jumelle de quelqu’un de notre entourage? Un « entourage » bienveillant se révèle un antidote puissant à toutes les blessures qui font « rage » dans notre monde. On peut se sentir jumeau par identification quand nous partageons un vécu identique avec une autre personne. C’est le modèle des groupes de deuil ou de soutien de toutes sortes, qui à l’exemple des fraternités anonymes (AA, NA, Al-Anon) rassemblent des personnes ayant partagé des réalités communes et s’entraident plus aisément, car elles se comprennent. Par ailleurs, on peut aussi devenir jumeau ou jumelle par compassion quand la réalité de l’autre nous touche, un peu comme si on acceptait d’accompagner l’autre dans sa souffrance par pure bonté. Dans les deux cas, la blessure reconnue, entendue et accueillie amorce un processus de guérison. Si la confiance est au rendez-vous, parlons de nos cicatrices à quelqu’un qui saura nous dire : « La paix soit avec toi », et nous ressusciterons de nos tombeaux!
Joyeuses Pâques!