le Mardi 8 octobre 2024
le Jeudi 8 Décembre 2022 8:00 Chroniques

Payer le loyer

  Photo : Yves Lafond
Photo : Yves Lafond

Je suis tombé par hasard l’autre jour sur la chanson du groupe Midnight Oil, « Beds Are Burning (les lits brûlent) ».

Comme il m’arrive souvent, après n’en avoir retenu que quelques paroles seulement, j’ai toujours mésinterprété le sens de la chanson.

Pour moi, les mots « terre » et « il est temps de payer le loyer, de payer notre part, notre dû » avaient comme thème la pollution et le mal qu’on fait à la planète. Mais il s’agissait en fait de remettre un certain territoire australien à une première nation, les Pintupi, qui leur avait été enlevé. Noble cause s’il en est une, mais ça signifiait aussi que je m’étais encore planté. Mais qu’à cela ne tienne. J’ai décidé de faire un peu de millage sur cette ligne de pensée.

Grâce et merci à plusieurs religions, les chrétiennes surtout, avant on considérait la terre et tout ce qui s’y trouvait comme ayant été créé par Dieu pour servir l’humain.

Tout ce qui avait été mis sur terre l’avait été mis pour cette seule raison. La forêt? On s’en servait pour nous construire, nous chauffer, nous nourrir grâce à la faune et la flore qu’elle abritait. Mais elle était difficile à contrôler. Alors, quand on l’avait suffisamment siphonnée et même avant, on la faisait disparaitre afin de transformer son sol en champs beaucoup plus faciles à dominer.

Il y avait et y aurait toujours plus de forêts plus loin qui attendraient docilement le bon moment pour nous servir. Une fois transformées en champs, on profiterait du sol le plus riche qu’on puisse imaginer grâce à la décomposition végétale s’y étant accumulée depuis des centaines voire des milliers d’années. C’était bien la preuve que tout ça avait été orchestré par la main divine ayant tout planifié pour nous depuis longtemps, bien avant qu’on soit là.

La mer? Même affaire. À quoi d’autre pouvaient donc être utiles ces grosses patentes de baleines si ce n’était que de nous servir? La morue? Quand on s’inquiétait de la disparition de n’importe quelle espèce végétale ou animale, c’était surtout parce qu’en fin de compte, ça risquait de nous créer un manque. C’était comment les protecteurs de l’environnement du temps nous avertissaient du danger à trop abuser. Non pas que ça partait de mauvaises intentions ou qu’ils avaient tort, mais c’est juste pour dire que c’était toujours basé sur le thème de nous servir.

Il faut bien avouer par contre qu’on apprenait aussi que tout être vivant avait une utilité quelconque. Je n’ai jamais compris, dans cette ligne de pensée, où le maringouin se situait. C’est la question que j’avais posée à ce couple d’écologistes amis rencontré lors d’un voyage de pêche au Saguenay.

Ils étaient probablement issus d’une des premières batch sorties de l’école avec ce diplôme de cette nouvelle discipline appelée écologie. Peu avant de les connaitre, j’avais été tenté par cette voie. Mais venant de la région de St-Jérôme, où il fallait mettre rapidement un couvert sur la marmite bouillonnante des rêves insensés, j’ai très vite abandonné cette idée. Qui allait nous engager? Personne. Ou à peu près.

Le gouvernement en avait bien une poignée à son service, mais ce devait être encore un de ces domaines où il faudrait se battre bec et ongles dans une compétition sans merci avec des confrères afin de mériter une place. Pas mon genre. J’ai ensuite presque regretté avoir renoncé à suivre cette voie quand j’ai rencontré ce couple en question. Ils travaillaient. Mais il faut bien avouer aussi qu’eux, c’était Hydro-Québec leur patron.

C’était à l’époque où on avait l’impression que l’hydro, émoustillé par le succès de la Baie James, n’avait qu’en tête d’inonder une partie du Québec. Devant le début de levées de boucliers de citoyens s’indignant, en tant qu’entreprise prévoyante, ils mettaient sur la table des piles épaisses comme ça de dossiers prouvant au contraire qu’ils n’affectaient en rien l’environnement. Et eux, ils en avaient de l’argent pour engager des écologistes. Finalement, je ne l’ai pas regretté longtemps.

Pour en revenir aux maringouins, leur réponse qu’ils étaient « une banque alimentaire » m’avait plus ou moins convaincu. Je ne l’ai jamais su. Bof! On peut pas tout savoir. Ils sont là pis c’est toutte. Faut faire avec.

Il en va de même pour d’autres espèces animales et végétales. On sait pas toujours pourquoi elles sont là, mais elles le sont. Il est grand temps qu’on arrête de se comporter en propriétaire. La terre n’est pas notre parterre. On n’en enlève pas les pissenlits juste parce que ça détonne avec le vert du gazon. Nous ne sommes que d’humbles locataires. Et pas des bons à part ça. On est bruyant. On respecte pas nos voisins (les autres espèces) pis on est bien plus de monde dans la cabane que quand on est arrivé.

On est sur le point de se faire évincer. C’est peut-être même déjà commencé. Peut-être qu’il y a du meilleur ailleurs mais à date, ça a l’air d’être loin en titi. Comme disait mon père, si on veut arriver, faudrait partir ben vite. Mais comme c’est pas le cas, faudrait se comporter en bons locataires et arrêter de tout détruire, non pas pour se ramasser dans la rue, mais dans nulle part.

Je n’ai jamais vécu dans une grande ville. Donc les coquerelles, je ne pense pas en avoir tant vu que ça. Par contre les fourmis, ça je m’en rappelle par exemple. Autant on ne se lasse pas de les admirer pour leur manière de s’organiser, autant on va les diaboliser quand elles envahissent notre maison. En fait, quand n’importe quelle bébitte ou bestiole envahit n’importe quoi que ce soit, ça devient un problème majeur. Ça a l’air d’être une loi sur terre.

Quand ça arrive, il y a intervention soit humaine soit environnementale pour en diminuer la densité ou jusqu’à l’éliminer. Les exemples au cours de l’histoire, et surtout la préhistoire, sont multiples. C’est pas nous qui l’avons implantée, cette loi. C’est comme ça depuis que la terre est terre. Nous, on ne fait que l’appliquer quand ça fait notre affaire. Là, à voir, on le voit bien que c’est rendu nous la bébitte envahissante.

Faut se watcher!  Parce que sinon, la terre, elle va s’en occuper, elle, de nous fomenter une sorte d’insecticide spécialement élaboré juste pour nous. Un jour, il va falloir penser à le payer, le loyer.