Sophie Delaigue : D’où viennent les ingrédients que vous utilisez pour fabriquer vos bières?
Meghan Marjanovic : Nos ingrédients viennent d’un peu partout, mais principalement d’Amérique du Nord. Nous faisons aussi venir du malt de spécialité d’Angleterre et d’Allemagne. Cela nous permet de produire des styles de bière spécifiques, comme la pilsner allemande.
De même pour le houblon, la plupart des variétés sont américaines, mais nous avons aussi quelques variétés spéciales de la Nouvelle-Zélande, de l’Australie, et de l’Europe. Par ailleurs, nous sommes en train de rechercher des graines biologiques pour certaines de nos bières afin de réduire notre impact environnemental.
SD : Est-ce que ces ingrédients pourraient être cultivés localement?
MM : La culture de l’orge et du houblon au Yukon présente des défis en raison de notre climat. Des essais de culture d’orge pour le brassage sont actuellement en cours, en collaboration avec le gouvernement du Yukon. L’orge doit ensuite être maltée selon des techniques spécifiques pour être utilisée dans le brassage. Nous voulons essayer d’utiliser l’orge locale si elle devient disponible, mais le défi sera de produire des volumes suffisants pour toutes les brasseries yukonnaises.
En ce qui concerne le houblon, c’est encore plus difficile de le cultiver sous notre latitude. La plupart des houblons de la Colombie-Britannique sont relégués au sud, dans la Vallée de la Fraser et sur l’Île de Vancouver. Et il y a quelques producteurs de houblon dans les Prairies, mais rien d’aussi nordique que le Yukon.
SD : Que deviennent les céréales une fois qu’elles ont été utilisées?
MM : Les drêches, qui sont les résidus après le brassage, sont conservées et données à un agriculteur local. Il nourrit ses porcs, ses bovins et ses poulets avec et s’en sert aussi pour son compost. Rien ne se perd.
SD : Canettes ou bouteilles?
MM : Nous sommes passés aux canettes à l’automne 2019, en remplacement des grandes bouteilles en verre. Les canettes sont meilleures pour la qualité globale de la bière parce qu’elles protègent de l’air et de la lumière. Elles sont aussi meilleures pour l’environnement.
Les canettes en aluminium peuvent en effet être recyclées indéfiniment et sont beaucoup plus légères que les bouteilles en verre pour le transport. Ces deux aspects contribuent à réduire l’empreinte carbone. Remplir un growler réutilisable est probablement l’option la plus écologique puisqu’on peut le réutiliser à l’infini ; en revanche, il y a plus de gaspillage de bière lors du remplissage et la qualité de la bière n’est pas aussi bonne, car elle est idéalement à consommer dans la journée.
SD : Depuis toujours, vous avez fait le choix d’un développement responsable pour votre entreprise. Pourquoi et comment?
MM : En tant qu’entreprise locale, et en tant que membres de la communauté, nous sommes conscients des changements climatiques et des impacts environnementaux qu’une entreprise peut générer. Le brassage est une entreprise gourmande en ressources et nous faisons donc tout ce que nous pouvons pour réduire notre empreinte énergétique.
Nous avons installé près de 200 panneaux solaires sur notre toit en 2020 et avons ainsi détourné 25 tonnes de carbone en 2021. Nous avons également acheté un véhicule électrique pour les livraisons et les courses en ville. Autres exemples, dans notre salle de dégustation, nous utilisons un maximum de produits locaux et respectueux de l’environnement ; nous réutilisons nos supports en plastique pour les packs de quatre lorsque les clients les rapportent ; et enfin, nous faisons un réel effort de compostage et de recyclage dans toutes les étapes de production et de vente.
SD : Quelles sont les prochaines actions que vous souhaitez entreprendre pour réduire encore plus votre impact environnemental?
MM : Comme nous l’avons déjà mentionné, nous aimerions nous approvisionner davantage en céréales biologiques pour notre brassage. Nous cherchons également à réduire nos besoins en eau et à tirer le meilleur parti des ingrédients dans nos processus de fabrication.
Nous voudrions également utiliser des anneaux d’emballage compostables pour nos packs de quatre et sommes en train de faire la recherche.
Nous regardons la possibilité d’installer davantage de panneaux solaires sur un nouveau bâtiment de stockage prévu cette année. Enfin, nous envisageons d’installer des chargeurs de VE [véhicules électriques] pour nos clients et le personnel grâce aux incitations gouvernementales.