le Vendredi 14 février 2025
le Jeudi 27 janvier 2022 6:00 Chroniques

L’action climatique par les arts

Nathalie Parenteau est une grande amoureuse de la nature. On la voit ici randonner au Yukon, sa terre d’adoption. — Photo : fournie
Nathalie Parenteau est une grande amoureuse de la nature. On la voit ici randonner au Yukon, sa terre d’adoption.
Photo : fournie
Nous débutons cette nouvelle année de chroniques sur l’action climatique avec Nathalie Parenteau. Artiste franco-yukonnaise bien connue et ayant atteint une renommée nationale et internationale, elle nous explique son engagement environnemental à travers son art… et son assiette.

Sophie Delaigue : Vos peintures sont un hymne au Nord, à la nature et aux animaux. Est-ce que c’est une forme d’engagement pour vous?

Nathalie Parenteau : En effet, mon œuvre artistique trahit le respect que j’ai pour la nature. Je peux tracer trois sources pour ce sentiment : mon attachement pour le monde animal, mes études en biologie et mes années passées ici, au Yukon, véritable « Shangri-La » nordique!

Depuis toujours, j’ai observé avec émerveillement l’environnement dans lequel je vis, peu importe le lieu sur la carte du monde. Dans ma jeunesse, c’était la lisière des boisés, les terrains vagues et les fossés qui me fascinaient avec leurs espèces pionnières, ces plantes qui s’installent pour réparer les blessures faites à la terre lors de l’expansion urbaine.

Parfois, on voyait un rat musqué ou une belette s’y aventurer et, pour moi, il y avait quelque chose de magique dans ces apparitions ; j’étais témoin de la force indomptable de la vie. Avec tous ces moments passés en communion avec la nature, je me suis sentie complice d’elle, comme si j’appartenais moi aussi à un clan plutôt sauvage. Au fil des années, cette conviction s’est fortifiée.

C’est donc au niveau spirituel et instinctif que mijote en moi mon engagement, et ceci s’aligne merveilleusement bien avec la prise de conscience actuelle sur nos traces et impacts environnementaux.

SD : L’action climatique par les arts. Est-ce que les artistes ont une responsabilité d’action? Est-ce qu’ils peuvent mobiliser le public à travers leur art? Est-ce que les artistes yukonnais sont plus engagés qu’ailleurs au Canada?

NP : Cette responsabilité appartient à tous. Le monde des arts est une plateforme idéale pour passer un message. Mais les artistes sont visités par des muses différentes et les talents sont très variés. Certains s’épanouissent en exprimant des sentiments intimes, d’autres par la représentation de ce qui les entoure.

S’attendre à ce que les artistes orientent tous leurs œuvres vers un sujet particulier et épaulent la même cause n’est pas réaliste et nous priverait de nombreux trésors. Il faut plutôt s’entendre sur le fait qu’ils sont des êtres émotifs et captent facilement les ondes qui virevoltent. Inconsciemment, une œuvre peut s’imbiber d’un sujet pressant et porter à réflexion et mobilisation, autant que si c’était l’intention de départ.

Au Yukon, la nature prime comme sujet artistique. Nous sommes entourés d’une beauté sauvage hors pair et souvent confrontés à des face-à-face du type animal! Comment ne pas être sensibilisés pour la préservation écologique? Plusieurs artistes partent en excursion, équipés de crayons et pinceaux, soucieux de capter cette beauté et de représenter la délicate balance d’une région sauvage; d’autres imaginent et créent dans leurs studios, envoûtés par l’aura du Grand Nord.

Mais il est difficile de juger si nous sommes plus engagés qu’ailleurs, car la soif pour un équilibre naturel et pour la beauté sauvage peut être aussi préoccupante – tout comme l’amour inspire plusieurs chansons, son manque en inspire encore plus.

SD : Quels sont, selon vous, les plus grands risques liés aux changements climatiques?

NP : Certaines populations et écosystèmes ont des seuils d’adaptation très étroits, et quand ils sont soumis à des changements environnementaux trop soudains, les résultats peuvent être désastreux, voire irréparables. Comme un château de cartes, plusieurs facteurs clés maintiennent l’équilibre d’un milieu naturel. Et quand un seul facteur flanche, c’est toute une structure écologique qui dégringole.

Le plus grand risque, à mon avis, c’est ce déséquilibre. C’est l’eau qui performe mal comme facteur vie, l’air qui tue, le sol qui gît. Il y a quelques siècles seulement, on disait que les rivières se purifiaient à tous les vingt miles; de nos jours, les océans sont des grands dépotoirs flottants loin des côtes et la planète est hors d’haleine à essayer de suivre la cadence pour maintenir sa santé. Les animaux peinent à se frayer un chemin pour rejoindre leurs territoires saisonniers et trop d’espèces sont en voie d’extinction accélérée.

Depuis longtemps, la présence humaine est un facteur de stress pour la Terre. Notre capacité d’extraire, de soumettre et d’exploiter a un impact immense et malheureux pour les organismes qui nous entourent, ainsi que pour nous-mêmes.

Nous avons perdu de vue l’importance de faire partie de l’écosystème planétaire. Quoique le développement de notre société est inévitable, il faut remettre au premier plan cette importance écologique pour éviter le déséquilibre global.

SD : À un niveau individuel, s’il n’y avait qu’une action à prendre pour combattre la crise climatique, laquelle choisiriez-vous?

NP : L’action qui me tient le plus à cœur pour réduire notre impact sur la planète se trouve dans mon assiette, tous les jours! On peut deviner par mes œuvres mon attachement pour les animaux. La cuisine végétalienne offre un carrefour idéal pour cette affection et pour toutes mes convictions écologiques.

Le bien-être des bêtes d’élevage et la survie des animaux sauvages sont primordiaux pour moi. Cette compassion va main dans la main avec l’urgence environnementale actuelle. Pratiquer un régime à base de plantes est un véritable tour de chapeau : la contribution énergétique est réduite ; le rendement calorique, multiplié ; les émissions, minimisées. Non seulement nous épargnons les animaux coincés dans l’industrie alimentaire à grande échelle, mais nous agissons aussi de façon responsable. De plus, nous pouvons produire une partie de notre alimentation nous-mêmes, au jardin ou près de la fenêtre.

Depuis ces dernières années, je me dévoue à l’étude du végétalisme : comment me procurer des ingrédients avec le moins d’empreintes carbone et avec un haut taux d’éléments nutritifs, et – plus important encore – comment les transformer en plats savoureux, avec un vrai « p’tit goût de r’venez-y »! J’avoue que c’est une équation complexe, mais elle donne d’intéressantes solutions. Donc, pour moi, c’est par l’estomac que j’exprime ma solidarité avec la Terre.