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le Mercredi 6 mars 2013 0:56 Chroniques

Mme Andrée North ou vieillir en beauté

Née le 27 février 1934 à Montréal, Andrée Evelyne Jérôme fut baptisée à Verdun, au Québec. Son père anglophone et sa mère francophone ont tenu à ce que leurs quatre enfants deviennent bilingues. Andrée fit ses études en français jusqu’à la 7e, puis en anglais jusqu’à la 11e. Elle attribue son esprit positif à l’éducation que sa famille lui a donnée.

Bonne élève et aimant beaucoup étudier, elle aurait voulu continuer ses études pour devenir enseignante ou garde-malade, mais sa famille n’en avait pas les moyens. Ses frères, Wesley et Norman, ainsi que sa sœur Louise n’ont pas non plus poursuivi leurs études pour la même raison. Mme North rappelle que, à son époque, il fallait payer comptant les 600 dollars d’inscription à l’université, tandis que, de nos jours, on suit ses études et on s’occupe de payer ensuite. À propos de cela, elle dit : « J’ai accepté mon sort, que veux tu? »

Mariée jeune, elle a donné naissance à cinq enfants en cinq ans, puis se consacra à ses six enfants – Martin, Glenn, Steven, Cynthia, Seán et Derek – jusqu’à ce qu’ils aient fini leur scolarité.

C’est il y a une quarantaine d’années, après avoir vécu quelque temps en Ontario et au Manitoba, qu’elle a déménagé au Yukon avec ses six enfants en bas âge afin d’accompagner son premier mari, qui avait trouvé un travail à Faro. Pendant environ sept ans, les circonstances l’ont obligée à travailler au magasin Murdoch’s de Faro, malgré sa charge de famille. Elle garde tout de même de bons souvenirs des parties de cartes entre femmes et des promenades dans la nature où elle observait parfois des animaux sauvages. À ce propos elle dit : « On était habitués. On savait quoi faire… »

Ses enfants ont fait leur scolarité en anglais, à Faro, et n’ont pas parlé français à la maison malgré les efforts de leur mère. À la fin de leurs études, Andrée leur a fait comprendre qu’ils étaient maintenant adultes et qu’ils devaient voler de leurs propres ailes. Il était devenu urgent pour elle de quitter une situation familiale devenue difficile.

C’est à Whitehorse qu’elle a commencé sa nouvelle vie et que la chance n’a pas tardé à lui sourire. Depuis son départ du Québec, elle avait toujours gardé contact avec sa famille. Elle a tenu à accueillir sa mère au Yukon et à lui faire contempler la ville du haut de la falaise. Son père, lui, était déjà décédé à l’âge de 55 ans. Plus tard, elle fera également le deuil de deux de ses enfants d’âge adulte et de sa mère, alors âgée de 82 ans.

M. Richard North est arrivé dans sa vie au moment où elle était secrétaire bilingue pour le gouvernement fédéral à Whitehorse. La signature d’un contrat entre les autorités de l’Alaska et celles du Yukon avait fait se déplacer les journalistes. M. North, connu de ses lecteurs comme Dick North, était de ceux-là, travaillant alors aussi bien pour le Yukon News que pour le Whitehorse Star, quand il ne travaillait pas à Anchorage.

Dès le début de leur relation, elle allait le rejoindre de temps en temps en Idaho et en Alaska, puis ils vécurent ensemble le grand projet de la cabane de Jack London à Dawson City.

Mme North raconte avec quel enthousiasme elle a vu son mari, connu de ses lecteurs comme Dick North, entreprendre, à partir de rien, l’aménagement de la cabane de Jack London pour faire revivre ce personnage en interprétant son histoire sur ce site. Quel honneur pour elle de voir ses efforts récompensés par deux médailles du gouvernement fédéral! Mais aussi, quelle expérience de voir des touristes russes ou allemands pleurer d’émotion en se retrouvant sur le lieu où avait vécu Jack London. Mme North s’exclame : « Je n’en revenais pas! »

Plus tard, le 9 avril 2004, le journal de Dawson City, le Klondike Sun, publiera une photo où ils sont tous les deux présents dans un article sur la mission de M. North comme curateur à Berton House. Ce furent de merveilleux souvenirs pour Mme North, qui aime Dawson City encore mieux que Whitehorse. parce que « c’est plus cozy! ».

De son mariage au long cours avec M. North elle dit : « Ça a toujours été le bonheur! »

Maintenant, elle rend visite régulièrement à son mari au Centre Copper Ridge et pense : « Sois heureuse quand même! » Mais leurs sorties quotidiennes et leurs dîners ensemble en ville lui manquent tout de même un peu.

Concernant le troisième âge, elle se dit heureuse d’y être arrivée, car elle se sent plus indépendante et son rythme de vie est plus décontracté. Vivre seule ne lui fait pas peur; elle précise : « Ça ne fait rien si j’ai personne, un livre, c’est aussi bon qu’une bonne personne! »

Mme North dit manquer d’occasions de lire ou de parler en français mais, pendant notre longue entrevue, elle n’a quasiment pas utilisé d’anglicismes et se rappelle même d’expressions typiquement québécoises.

Ses chanteurs préférés sont Félix Leclerc, qu’elle a connu (et dont elle chante très bien un refrain), mais aussi Nana Mouskouri et Édith Piaf. Là, elle ajoute : « Moi ça me donne la chair de poule, la Édith Piaf! ». Tout cela lui semble bien loin, maintenant! Mais la suggestion d’écouter un disque d’un de ces artistes sur sa radio fait renaître chez elle une grande bouffée d’enthousiasme communicatif.

Pas question pour Mme North de s’ennuyer : jeux de cartes, bingos, piscine et, surtout, visites à son mari… en attendant les promenades et les pique-niques de l’été organisés par le personnel de MacAulay Lodge.

Entre temps, Mme North aimerait « revenir » pour les 5 à 7 de l’Association franco-yukonnaise les vendredis. En effet, elle a jadis fait partie du petit groupe de quatre ou cinq personnes qui ont lancé l’association à un moment où il n’y avait pas encore de local. Elle s’y est liée d’amitié avec M. Yann Herry et, plus tard, y a fait du secrétariat. Elle aimait les réunions du vendredi soir, les pique-niques et la cabane à sucre mais, à l’époque, elle avait encore une charge de famille : « Il fallait que je fasse mes devoirs de ce côté-là! »

Au Yukon, ce qui lui plaît, c’est la liberté et la propreté de l’environnement : « Ici, c’est tellement grand, c’est tellement clair et tu sais que c’est beau et bon! »

Pour l’avenir, Mme North est heureuse à la pensée d’accueillir prochainement ses enfants en vacances au Yukon. À plus long terme, elle souhaiterait pouvoir rester à MacAulay Lodge où elle ne manquera pas d’occupations et où son optimisme rayonnera tout autour d’elle.