le Dimanche 8 septembre 2024
le Jeudi 6 avril 2023 7:30 Société

Un budget fédéral rouge orange

Sur fond de « récession modérée » et de croissance plus faible, le Canada investit massivement dans la carboneutralité pour rester compétitif avec les États-Unis. Et pour alléger le cout de la vie, le budget fédéral prévoit sept milliards pour les soins dentaires, une mesure qui répond aux attentes des néodémocrates.

À l’exception du prix des aliments, l’inflation se résorbe progressivement. Dans ce contexte, une seule nouvelle mesure fiscale aidera les ménages à faibles revenus à combattre l’inflation, selon les données du budget 2023 déposé le 28 mars par la ministre des Finances, Chrystia Freeland.

Le gouvernement doublera à nouveau le crédit TPS cette année. Cette mesure coûtera 2,5 milliards et touchera 11 millions de personnes.

Le budget Freeland prévoit peu de mesures pour favoriser le logement abordable, contrairement à la demande du NPD et des conservateurs. Les libéraux se contentent de rappeler qu’ils ont investi 32,27 milliards pour le logement abordable à travers la Stratégie nationale sur le logement.

Le budget de l’an dernier prévoyait 1,8 milliard de dollars. Pour couvrir les années de 2022 à 2027, le gouvernement avait annoncé un investissement total de 10 milliards pour les mises en chantier de construction rapide.

« Le plus grand problème concernant le logement est la construction, a précisé la ministre. Vu la croissance de la population, on devra avoir plus de logements. On doit créer une approche qui permettra cela […] Le logement n’est pas juste une question fédérale. La question principale est de trouver une façon de construire. »

Le budget réserve tout de même une enveloppe de 4 milliards sur 7 ans pour le logement autochtone en milieu rural, urbain et nordique. Le gouvernement Trudeau accède ici à une autre demande du NPD.

Bonification du Régime canadien de soins dentaires

Le budget 2023 présente un investissement de 7,3 milliards pour les soins de santé dentaires pour les cinq prochaines années, sans toutefois préciser les prochaines étapes du plan d’expansion de la couverture. Cette somme fait partie des 13 milliards sur cinq ans déjà annoncés par le gouvernement.

Cette nouvelle prestation, disponible depuis septembre 2022 pour les familles dont le revenu annuel est inférieur à 90 000 $, cible prioritairement les enfants de moins de 12 ans et s’ouvrira cette année pour les moins de 18 ans, les personnes aînées et celles en situation de handicap. Le Régime canadien de soins dentaires coûtera deux fois plus cher que prévu au gouvernement, qui répond de nouveau aux attentes néo-démocrates.

En santé, le fédéral injecte 46,2 milliards sur dix ans dans les transferts en santé aux provinces. Cette somme s’ajoute au financement déjà prévu.

Décarboner en grand, demeurer compétitif avec les États-Unis

Fait marquant du budget 2023, le gouvernement se dote d’une politique industrielle ambitieuse. Ce sont 80 milliards sur 10 ans qu’Ottawa consacrera à la décarbonation de l’économie et à la production d’énergie propre.

Cette réponse était attendue, quelques jours après la visite officielle du président américain Joe Biden. Les États-Unis ont annoncé l’été dernier le Inflation Reduction Act, un programme de près de 400 milliards américains pour subventionner la transition écologique de leur économie.

Cette initiative constitue « un défi majeur pour notre capacité à soutenir la concurrence dans les industries qui feront prendre de l’expansion à l’économie propre au Canada », peut-on lire dans le budget 2023. Justin Trudeau avait certifié, en conférence de presse avec le président américain, que le Canada resterait compétitif avec les États-Unis.

Le gouvernement fédéral entend doubler, voire tripler, la production d’énergie propre au pays d’ici à 2050. Ce sont 50 milliards sur 10 ans qui seront dédiés à la seule production d’énergie propre comme l’hydroélectricité et l’éolien, mais aussi le nucléaire, la production d’hydrogène ou la captation du carbone.

Les 30 milliards restants faciliteront les investissements dans des technologies vertes dans des secteurs comme l’extraction et la transformation de minéraux critiques, le développement de batteries ou de véhicules zéro émission et de leurs composantes.

Le gouvernement fédéral ne subventionnera pas les entreprises directement, mais mettra plutôt en place des crédits d’impôt ou un cadre de financement pour les entreprises canadiennes dans des secteurs ciblés.

Un déficit budgétaire pire que prévu, mais soutenable

Le gouvernement fédéral anticipe une croissance économique plus faible que prévu cette année, ce qui aura une incidence sur le déficit à court terme.

Grâce à un marché de l’emploi dynamique et à un essoufflement de l’inflation, le ralentissement économique devrait être de courte durée. Le produit intérieur brut (PIB) devrait faire du surplace à 0,3 % cette année pour remonter à 1,6 % en 2024, selon les prévisions du ministère des Finances.

Le taux de chômage très bas compense ce ralentissement du PIB réel. Fixé à 5 % en moyenne au pays actuellement, il devrait avoir légèrement augmenté à la fin de l’année 2023, selon les prévisions gouvernementales, avant de redescendre en 2024.

« Il y a plus de déficit dans le budget, mais ce n’est pas parce que l’économie va moins bien, c’est parce que les investissements gouvernementaux augmentent », a souligné un haut fonctionnaire du gouvernement. Il a par ailleurs noté que le budget 2023 présente encore deux cadres, un optimiste et un pessimiste, mais que le gouvernement a choisi cette fois une voie mitoyenne dans ses prévisions pour faire face à l’incertitude économique.

Le déficit budgétaire fédéral sera donc plus élevé que prévu au cours des prochaines années. Il devrait être de 40,1 milliards pour l’exercice financier 2023-24, l’équivalent de 1,4 % du PIB. À moins d’imprévus, ce rythme d’endettement devrait décroitre par la suite et rester somme toute près de l’équilibre budgétaire.