Maintenir la température d’une serre agricole au nord du 60e parallèle, jour et nuit, et ce, à peu de frais et sans combustible… une fiction?
Voici pourtant l’ambitieux projet de Maxime Dugré- Sasseville, l’un des quatre finalistes du concours Innovation Yukon 2016 organisé par le Centre de recherche du Collège du Yukon, en partenariat avec le gouvernement territorial.
M. Dugré-Sasseville et les trois autres innovateurs en lice ont chacun déjà remporté 10 000 $ pour la création de leur prototype, et un prix final de 60 000 $ sera dans quelques mois remis au vainqueur qui pourra développer son projet à plus grande échelle.
Le principe
Grâce à son prototype, M. Dugré-Sasseville souhaite démontrer qu’il peut choisir et maintenir pour neuf mois la température à laquelle il souhaite que ses plants se développent. Cet ancien ingénieur croit même que son système permettrait de chauffer l’abri à peu de frais, à l’année.
« Ma serre offre plusieurs possibilités, dont celle de déterminer une température différente pour chaque bac de croissance, dépendamment des plantes qui y poussent », affirme-t-il.
Sa serre thermodynamique fonctionne à l’énergie solaire et peut être complètement automatisée.
Le soleil réchauffe un fluide qui transporte la chaleur dans une masse thermique à l’aide d’un système de tubes. Le liquide réchauffé maintiendra alors les bacs de terre à la température désirée. L’excédent de chaleur précédemment emmagasiné sera redistribué durant la nuit et en période froide.
Comme la serre se réchauffe naturellement durant l’été et que les bacs de croissance maintiendront éventuellement leur température sans aide, le mécanisme produit alors un excédent de chaleur appréciable qui est alors emmagasiné dans des contenants isothermes, en prévision des périodes plus froides.
Dès la mi-février, l’énergie solaire serait suffisamment puissante pour réchauffer les fluides et commencer les cultures en mars.
Économiquement viable?
« Généralement, la température d’une serre varie considérablement entre le jour et la nuit. Avec mon projet, il sera possible de décider d’une température pour le jour, par exemple 25 °C, et la diminuer de quelque degrés pour la nuit, et ce, de mars à novembre », détaille M. Dugré-Sasseville. « Ainsi, on parle de neuf mois à plein régime. Donc, fini les températures de 5 °C à l’aurore et la fin des récoltes en septembre. Ma serre devrait grandement augmenter la période de production des plantes, donc permettre des récoltes multiples. »
Pour l’entrepreneur francophone, le Yukon, mais aussi l’ensemble du Canada et des pays nordiques pourraient considérablement augmenter leurs productions locales avec sa technique. Selon lui, son projet permet d’économiser sur les coûts de fonctionnement en plus d’augmenter les ventes.
Ainsi, une serre de 25 par 100 pieds dépourvue de son mécanisme coûterait au mieux de 1 000 à 1 500 $ de chauffage par année, pour obtenir une production limitée à cinq mois.
M. Dugré-Sasseville estime pour sa part que les coûts d’installation de sa serre pourraient être rentabilisés rapidement grâce à l’élimination des coûts de chauffage et à la hausse potentielle des revenus.
« Les communautés ont par exemple souvent accès à des montants pour construire des infrastructures, mais pas forcément [à des fonds] pour assurer les coûts de roulement. C’est là, entre autres, où ma serre devient intéressante », note-t-il.
Interrogé sur ses chances de remporter le concours, M. Dugré-Sasseville pense que la compétition sera serrée.
« L’avantage que j’ai, si c’en est un, c’est que je crée deux entreprises : ma propre serre de production agricole et ma compagnie de construction de serre, laquelle devrait apporter de bonnes retombées économiques pour le Yukon », conclut-il.
Dans la prochaine édition de l’Aurore boréale, nous vous présenterons le projet d’un autre finaliste du concours Innovation Yukon, Alexandre Poitras. Innovation Yukon met en avant des initiatives locales pour encourager l’indépendance alimentaire et l’agriculture au Yukon.