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le Lundi 8 juin 2015 8:16 Société

L’admission scolaire : des choix pour contrer l’érosion

Le jugement de la Cour suprême sur les admissions est nuancé, estime Mark Power, l’avocat des parents et des élus francophones de la Colombie-Britannique. (Photo : Juristes Power)
Le jugement de la Cour suprême sur les admissions est nuancé, estime Mark Power, l’avocat des parents et des élus francophones de la Colombie-Britannique. (Photo : Juristes Power)

Jean-Pierre Dubé (Francopresse)

Suivant la récente décision de la Cour suprême du Canada sur l’école franco-yukonaise, le Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique a suspendu l’admission de non ayants droit. Craint-on un effet domino ?

Le jugement de la Cour suprême sur les admissions est nuancé, estime Mark Power, l’avocat des parents et des élus francophones de la Colombie-Britannique. (Photo : Juristes Power)

Le jugement de la Cour suprême sur les admissions est nuancé, estime Mark Power, l’avocat des parents et des élus francophones de la Colombie-Britannique. (Photo : Juristes Power)

Un conseil scolaire de la minorité ne peut s’approprier, en vertu du droit de gestion sous l’article 23, le pouvoir de d’élargir ses critères d’admission. Dans son jugement du 14 mai, la Cour suprême a réussi à protéger le choix du Québec d’inscrire ses immigrants à l’école française et à soutenir l’enseignement du français en milieu minoritaire.

Le tribunal a stipulé que les autorités scolaires peuvent obtenir de leur gouvernement une dévolution des droits d’admission pour inclure des enfants dont la 2e ou 3e langue est le français. Ils doivent en démontrer la nécessité pour atteindre l’objet de l’article 23 qui est de remédier à l’érosion des communautés de langue officielle .

« Le Yukon cherchait à réduire les effectifs de l’école française en imposant une politique d’admission restrictive, explique l’avocat Mark Power. C’est pourquoi la cour a donné raison aux parents de la minorité en première instance. Mais l’appel a renversé le jugement en affirmant que seul le gouvernement peut établir les critères d’admission. »

La Cour suprême a pris une position mitoyenne, selon le conseiller juridique, en reconnaissant « l’autorité du gouvernement d’imposer des limites et le droit de la minorité de contester ces limites si elles portent atteinte à la réalisation de l’article 23. » Il rappelle que le tribunal, qui a déjà repoussé trois tentatives des Anglo-Québécois dans ce sens, invite maintenant les communautés francophones à contester.

Aux Territoires du Nord-Ouest, la commission scolaire et les parents rejettent la validité d’une directive ministérielle interdisant l’accès aux non ayant droit. En janvier, le plus haut tribunal des TNO a donné raison au gouvernement et la cause est portée en appel à Ottawa.

En Colombie-Britannique, la grande cause des conseillers scolaires et des parents sur les infrastructures de 15 écoles françaises se poursuit depuis l’automne 2013. Dans cette province, le CSF met en œuvre depuis deux ans une politique d’admission inclusive.

Mark Power précise. « Cette politique à l’image de celles des conseils scolaires du Yukon, des TNO et de l’Ontario permet d’accueillir des enfants d’immigrants et d’autres qui parlent assez bien français pour ne pas retarder le groupe. Tout le monde est d’accord que ces enfants aident à franciser les écoles.

« Le conseil a suspendu ses règles d’admission, explique l’avocat des codemandeurs, parce qu’on est en plein procès. Jusqu’à ce qu’il réussisse à convaincre un juge du contraire, le Conseil doit respecter les limites imposées par le ministère. Les règlements ne sont pas modifiés, mais suspendus jusqu’au lendemain du jugement de la cour. »

Mark Power ne croit pas que le récent jugement sur l’éducation au Yukon aura un impact négatif. Dans plusieurs provinces dont l’Ontario, le système est très généreux dans sa dévolution du contrôle sur les admissions. « Il faut examiner la situation province par province et contester les régimes qui ne sont pas conformes à l’article 23. »

Le Manitoba, par exemple, a délégué à la Division scolaire franco-manitobaine l’autorité sur les admissions, souligne le directeur général Alain Laberge, comme l’indique ce sous-article législatif : « La commission scolaire de langue française peut admettre tout autre enfant dont les parents lui ont présenté une demande écrite d’admission ».

De même au Nouveau-Brunswick, où la loi accorde le choix aux parents. « Des parents anglophones peuvent inscrire leurs enfants à l’école francophone, précise le constitutionnaliste Michel Doucet, à condition que les enfants soient en mesure dès leur admission de comprendre la langue d’enseignement. J’ai toujours dit que notre système est à l’autre extrême et constitue une machine à créer des ayants droits. »

Selon la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, les gouvernements devraient consulter les conseils scolaires avant d’établir un régime d’admission. Elle souligne que, lors du récent jugement dans l’affaire Rose-des-Vents (Vancouver), la Cour suprême a jugé qu’il était nécessaire d’adopter le point de vue des titulaires des droits, notamment les parents, afin de déterminer s’il y a violation.