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le Mardi 7 avril 2015 10:37 Société

L’école française au Nunavut : le gouffre s’élargit entre élus et parents

L’école des Trois-Soleils est la seule école française du Nunavut. (Photo : Martine Dupont)
L’école des Trois-Soleils est la seule école française du Nunavut. (Photo : Martine Dupont)

Jean-Pierre Dubé (Francopresse)

Faute de quorum, les commissaires de l’École des Trois-Soleils ont annulé leurs cinq dernières réunions publiques, dont une assemblée extraordinaire prévue pour le 25 mars. Les parents ont réclamé leur démission et pourraient demander la mise en tutelle de la commission.

L’école des Trois-Soleils est la seule école française du Nunavut. (Photo : Martine Dupont)

L’école des Trois-Soleils est la seule école française du Nunavut. (Photo : Martine Dupont)

La Commission scolaire francophone du Nunavut (CSFN) a reporté au 15 avril l’assemblée générale convoquée pour expliquer aux parents sa poursuite judiciaire intentée en février contre le Nunavut en vertu de l’article 23. Sa dernière réunion régulière remonte à novembre 2014.

« On fait face à une impasse, déplore le président de l’Association des parents francophones du Nunavut, Tim Brown. Encore une fois, une réunion a été annulée. La prochaine étape pour nous, c’est de demander la mise en tutelle par le gouvernement. On a besoin de plus de transparence et d’imputabilité.

Frustration

« La pétition demandant la démission des commissaires n’est pas le résultat de la crise actuelle, soutient-il, mais de plusieurs années de frustration. Quand on a créé l’association il y a cinq ans, la commission n’a pas voulu nous rencontrer. On s’attendait à plus de respect pour les parents, on s’attendait à jouer un rôle. »

La commission ne reconnaît pas la légitimité de l’association. Dans un communiqué de la fin mars, la CSFN annonce avoir instruit la direction générale « de mettre sur pied dans les meilleurs délais, de concert avec la direction et les parents de l’École des Trois-Soleils, un comité de parents conformément à la Loi sur l’éducation afin de faciliter une communication fluide et transparente ».

Selon l’auteur du communiqué, le commissaire Michel Potvin, l’annulation de la réunion générale est due à la démission du commissaire Seth Reinhart, en poste depuis six ans, et à l’absence de deux autres élus « pour des raisons médicales et personnelles ».

Tim Brown croit que le président de la CSFN, Jacques Fortier, a quitté le Nunavut. « Il a une boîte postale et un numéro de téléphone, mais il a vendu sa maison ici. Selon les règlements, il doit être résident pour qualifier, il aurait dû démissionner. On ne sait toujours pas pourquoi Seth Reinhart a résigné ses fonctions. »

La commission a lancé un appel de candidatures pour combler le poste vacant et fixé au 7 avril la date limite pour les soumissions. « Il y a de la résistance à postuler, selon le président des parents. C’est une opportunité d’ouvrir les portes mais au lieu de tenir des élections, ils vont nommer quelqu’un qui leur plaît. »

Le parent codemandeur dans la poursuite contre le gouvernement, Doug Garson, a indiqué qu’il pourrait être candidat. En janvier, il avait donné son appui à la CSFN : « Je suis très frustré par les parents qui s’occupent des petits conflits et ne voient pas la grande priorité : agrandir l’école ».

L’annonce de la poursuite pour agrandir et équiper l’école selon la norme constitutionnelle avait choqué l’Association de parents, qui affirme ne pas avoir été consultée. La requête visant à forcer le gouvernement à mettre en œuvre ses obligations constitutionnelles demande « une ordonnance enjoignant le ministère de l’Éducation de cesser d’empiéter indument sur les pouvoirs de contrôle et de gestion de la CSFN ».

Décret

Les élus demandent aussi un décret pour combler 16 besoins en infrastructure, dont un gymnase, un centre de petite enfance et quatre nouvelles classes pour un programme de secondaire. Ils exigent enfin la création d’un minimum de 12 postes additionnels.

Dans son communiqué, Michel Potvin précise que, malgré la poursuite, « la CSFN poursuivra le travail amorcé avec ses partenaires en éducation, dont le ministère de l’Éducation et Patrimoine canadien afin de faire valoir les droits de notre minorité linguistique. »

L’Association des parents exige le retrait de la contestation judiciaire et se présente aussi comme un partenaire du territoire. « On tient les gens du ministère informés à chaque étape, soutient Tim Brown. C’est compliqué pour eux parce qu’ils ne peuvent plus se prononcer à cause de la poursuite.

« Nos demandes ne sont pas irréalistes, assure le président, on va continuer cette lutte. C’est un fardeau pour nous les parents, on est déjà occupés à faire mille choses. Mais la situation est grave, un 4e enseignant a pris congé de maladie en cinq mois. Il y a un impact sur la qualité de l’éducation. »

La Commission nationale des parents francophones et la Fédération nationale des conseils scolaires francophones n’ont pas voulu commenter la situation.