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le Mercredi 1 avril 2015 11:28 Société

Dawson à la recherche de Franklin

Les plongeurs ont pu visiter l'épave du NMS Erebus. Photo : Parcs Canada.
Les plongeurs ont pu visiter l'épave du NMS Erebus. Photo : Parcs Canada.

Christopher Scott

Des ossements humains et un journal de bord sont parmi les objets qu’on pourrait trouver lorsqu’on explorera une épave de la malheureuse mission de Franklin dans les eaux du Nunavut au mois d’avril.

Les plongeurs ont pu visiter l'épave du NMS Erebus. Photo : Parcs Canada.

Les plongeurs ont pu visiter l’épave du NMS Erebus. Photo : Parcs Canada.

C’est ce qu’affirme Thierry Boyer, archéologue subaquatique et membre de l’équipe spécialiste de neuf personnes de Parcs Canada qui a repéré le célèbre vaisseau d’exploration britannique NMS Erebus en septembre dernier, disparu depuis le milieu du 19e siècle. Invité par le Yukon Science Institute, le Québécois s’est rendu à Dawson la semaine dernière où il a livré une présentation le lundi 23 mars en soirée, au Centre Culturel Danoja Zho. Le public très attentif composé d’une trentaine d’individus n’a pas hésité à lui poser des questions.

C’est en mai 1845 que le NMS Erebus et le NMS Terror, deux navires qui avaient auparavant exploré l’Antarctique, sont partis d’Angleterre avec un équipage de 129 hommes. Il était sous la commande du capitaine John Franklin ayant pour mission de découvrir une voie maritime navigable entre l’Europe et l’Asie en passant par le nord-ouest du continent américain. Toutefois, dès qu’ils eurent pénétré dans la mer Arctique, les bateaux sont restés pris trois ans dans les glaces dans la région de l’île King William avant de couler. Selon des témoignages inuits et des messages écrits ensevelis dans des cairns, les hommes auraient souffert de faim et de scorbut, et certains auraient tenté de quitter l’endroit par voie terrestre avant de succomber en 1848.

D’entrée en matière, M. Boyer a soumis que la pertinence de l’expédition Franklin repose sur le mystère attaché à celle-ci en Angleterre après sa disparition. Elle a engendré de nombreuses missions de sauvetage et d’investigation qui ont accéléré l’exploration polaire. Il a souligné que l’épouse de Franklin en particulier « a remué ciel et terre pour trouver ce qui était arrivé à son mari, et ça nous a permis d’avoir une carte de l’Arctique en raison de ses recherches. »

En poursuivant sa présentation, l’archéologue a relaté que l’équipe de Parcs Canada était à la recherche active des épaves de la mission Franklin depuis 2008 en ratissant le fond d’océan avec un sonar. Toutefois, selon lui, c’est la découverte fortuite d’un morceau de métal provenant manifestement d’un bateau ancien faite l’année dernière par leur pilote d’hélicoptère sur une des îles où ils étaient posés qui leur a permis de resserrer la zone d’investigation.

Peu de temps après, on a repéré une carcasse de navire de 30 mètres de long reposant sous onze mètres d’eau, au large de l’île O’Reilly, au sud de l’île King William au 68e parallèle. Celle-ci a été identifiée rapidement comme étant le Erebus. Néanmoins, en raison du mauvais temps et de la formation des glaces sur la mer Arctique dès la fin septembre, les plongeurs, dont Thierry Boyer, n’ont pu se rendre à l’épave que durant un jour et demi sans pénétrer dans la coque.

Une partie importante des recherches attend donc la mission de huit jours au mois d’avril. « Là, on a des caméras qui se montent au bout d’une perche. On va pouvoir aller voir dans les différentes pièces, » s’est enthousiasmé l’archéologue, dans un entretien réalisé après l’événement de lundi avec l’Aurore boréale.

Toujours selon le spécialiste, de nombreux artefacts qu’on espère repêcher pourront nous permettre de confirmer les raisons qui ont mené à la perte de la mission. Entre autres, il sera intéressant de voir s’il reste des conserves de nourriture et d’examiner les journaux de bord qui, même immergés, peuvent être reconstitués par des techniciens sous certaines conditions.

Un mystère dont les détails ont suscité beaucoup de spéculation et inspiré de très nombreuses ballades et récits romanesques, au Royaume-Uni comme ailleurs depuis 160 ans, est donc peut-être sur le point d’être élucidé.

« On a une bonne idée de ce qui est arrivé à l’équipage. On a une bonne idée de comment la mission s’est terminée », résume Thierry Boyer. Toutefois, poursuit celui-ci, si d’après les témoignages des Inuit « on sait qu’il y avait encore des gens sur ce navire-là jusqu’à pas longtemps avant qu’il ne coule », « on ne connaît pas les derniers moments, comment ça s’est passé : est-ce qu’ils ont abandonné le navire ou est-ce qu’ils sont tout morts à bord? La fouille va nous apporter la réponse. »

Thierry Boyer précise que Parcs Canada affichera des mises à jour périodiques sur son site Web au cours des explorations à venir. Il remarque également que les travaux archéologiques sur l’Erebus s’échelonneront sur au moins cinq ans, et que durant ce temps, la recherche du NSM Terror se poursuivra en exploitant la même technologie que celle qui a permis de localiser ce premier navire.