Marie-France Kenny
(Extrait de la présentation de la présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, Marie-France Kenny, devant le Comité permanent des langues officielles de la Chambre des communes, le 26 mars 2015.)
(…)
Pendant qu’on fait étude après étude sur les défis de l’immigration francophone, année après année, on fait entrer au Canada, à l’extérieur du Québec, plus de 98 % d’immigrants anglophones comparativement à moins de 2 % d’immigrants francophones. C’est, à tout le moins, ce que disent les chiffres de Citoyenneté et Immigration Canada. Malgré les cibles, malgré les engagements, malgré les multiples recommandations des comités parlementaires, c’est une constante depuis 20 ans. Quatre-vingt-dix-huit pour cent d’immigrants de langue anglaise, et 2 % de langue française. C’est un scandale.
La population francophone a beau augmenter en nombres absolus; avec des proportions comme celles-là, notre poids relatif ne cesse de diminuer. À plusieurs endroits, ce n’est qu’une question de temps avant que nos communautés tombent en-dessous du seuil minimum requis pour recevoir des services et des communications en français des bureaux fédéraux. Et quand notre poids relatif sera tombé encore plus bas, que remettra-t-on en question à ce moment? Nos écoles de langue française?
Plus de 98 % contre moins de 2 %, de façon constante, depuis des années. On voudrait tuer la francophonie à petit feu, éliminer nos communautés par attrition, qu’on ne s’y prendrait pas autrement.
Voilà des années qu’on insiste sur l’importance que les réalités et les besoins spécifiques des communautés francophones et acadiennes soient pris en compte par le gouvernement lorsqu’il oriente ses politiques et programmes en matière d’immigration. Considérant les obligations qu’impose non seulement la Loi sur les langues officielles mais aussi la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés en ce qui a trait à l’appui au développement de nos communautés, on pourrait penser que ce serait normal de procéder ainsi. Or, c’est le contraire qui s’est produit. On a éliminé tout ce qui pourrait permettre de faire une réelle différence en matière d’immigration de langue française dans nos communautés. Maintenant, on nous demande de nous appuyer sur Entrée Express, mais sans la plus petite mesure incitative qui pourrait amener les employeurs à vouloir recruter des francophones.
Depuis des années, nous n’avons pas une part équitable de l’immigration annuelle au pays, et les torts causés à nos communautés sont majeurs. Nous sommes à l’heure des mesures de réparation. Il faut un coup de barre majeur. Il faut que le gouvernement se dote d’un plan cohérent de recrutement d’immigrants francophones à l’extérieur du Québec. Il faut que ce plan prévoie des mesures musclées, avec des échéanciers spécifiques, pour atteindre nos cibles conjointes en matière d’immigration francophone.
Et il faut que ce plan voie le jour maintenant, pas dans dix ans. En matière d’immigration francophone, il était déjà minuit moins une l’automne dernier lorsqu’on a éliminé l’Avantage significatif francophone. Il est maintenant minuit et une et rien n’a changé.