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le Mardi 24 mars 2015 10:12 Société

« On m’avait averti du manque de respect »

La major Kathryne Fontaine fait partie des 16 % de femmes sur environ 100 000 militaires dans les Forces canadiennes.
(Photo : K. Fontaine)
La major Kathryne Fontaine fait partie des 16 % de femmes sur environ 100 000 militaires dans les Forces canadiennes. (Photo : K. Fontaine)

Jean-Pierre Dubé (Francopresse)

Les bonnes intentions ne suffisent pas. C’est en modifiant les normes qu’un changement de culture peut se produire. En avril débuteront les premières évaluations de la condition physique selon des critères adoptés en 2014. La carrière exige aussi stratégie et diplomatie.

La major Kathryne Fontaine fait partie des 16 % de femmes sur environ 100 000 militaires dans les Forces canadiennes.  (Photo : K. Fontaine)

La major Kathryne Fontaine fait partie des 16 % de femmes sur environ 100 000 militaires dans les Forces canadiennes. (Photo : K. Fontaine)

Kathryne Fontaine ne prévoit pas de problème à réussir le test de conditionnement physique. « Il est plus adapté à quelqu’un de grand et fort. Mais si t’es le moindrement en forme, c’est faisable », estime la major de 30 ans, cinq pieds, un pouce et 110 livres, qui a été en 2009 commandante d’une troupe d’artillerie en Afghanistan.

Le nouveau programme comprend quatre épreuves : soulever des sacs de sable, courir avec une charge, faire une suite de courses précipitées et « transporter un sac de sable de 20 kg tout en traînant un minimum de quatre sacs de sable de 20 kg sur le sol sur une distance de 20 m sans interruption ».

Les exigences physiques sont un des obstacles que le Canada et ses 28 partenaires de l’OTAN sont déterminés à lever pour encourager la participation des femmes. Les Forces canadiennes sont engagées dans le virage pour l’égalité à partir de 1989 lorsque les femmes ont été admises au combat.

La diplômée bilingue du Collège militaire royal de Kingston a passé six mois au front afghan. « J’avais l’impression qu’en étant dans l’armée de terre, je serais toujours dans l’action. A l’époque joindre l’armée de terre signifiait aussi partir en Afghanistan aussitôt l’entraînement terminé, ce qui me permettait d’exercer mon métier pour vrai, immédiatement, au lieu de traîner dans une garnison.

« Il y avait une trentaine de personnes à ma charge. Notre troupe d’artillerie appuyait un bataillon d’infanterie américain. Quand les fantassins sortaient sur le terrain, on les appuyait. Ils nous disaient ce qu’ils avaient besoin et on pouvait soit détruire certains objectifs ou bien lancer des bombes éclairantes ou encore des bombes fumigènes pour masquer leur retraite. Je n’ai pas été blessée, je n’ai rien vu d’horrible. »

L’expérience de Kathryne Fontaine aux commandes a été positive. « Quand on est une femme, on est peut-être plus sous la loupe, on ne peut pas faire d’erreur. Mais si on capable de faire notre travail, les gens reconnaissent nos compétences. C’est comme ça que ça va devenir naturel. »

Pourquoi la présence des femmes est-elle devenue nécessaire ? Avant la 2e Guerre mondiale, 90 % des victimes des conflits étaient des combattants, affirme l’OTAN.

« Aujourd’hui, la majorité des victimes sont des civils, principalement des femmes et des enfants. La sous-représentation des femmes dans les processus de paix, le manque de mécanismes institutionnels destinés à protéger les femmes, et le recours largement répandu aux violences sexuelles et sexistes en période de conflit comme tactique de guerre restent autant d’obstacles à l’instauration d’une paix durable. »

Kathryne Fontaine a été témoin de ces réalités en 2012, lors d’une mission de Casque bleu au Congo. « C’est la plus grande mission de l’ONU (avec 17 000 soldats représentant 60 pays) mais la plus petite pour le Canada, avec neuf personnes. C’était la première fois qu’on donnait à une femme un rôle d’officier de liaison avec l’armée congolaise.

« Les gens qu’on côtoyait étaient juste des hommes, souligne-t-elle. J’avais eu quelques avertissements comme quoi je n’allais pas être respectée, que ce n’est pas dans tous les pays participants que l’égalité des femmes existe. Au départ, il y avait une perception, mais on m’a traité convenablement. »

Ce fut un travail difficile, explique la militaire, compte-tenu des tensions entre les unités formées par de groupes rivaux. « L’armée congolaise est hétérogène. Certains viennent de la brousse. On peut imaginer les problèmes de discipline et de langue. Ils ne sont pas bien payés et n’arrivent pas à se nourrir sans abuser de leur pouvoir. Notre mission est de renforcer la stabilité pour que les organismes non gouvernementaux puissent opérer. »

Le vœu Kathryne Fontaine est de reprendre le service comme Casque bleu au Moyen-Orient. En attendant, elle poursuivra des études doctorales en littérature à Toronto pour donner suite à sa maîtrise de l’Université Dalhousie (Halifax).

En collaboration avec l’Université Laval et la Défense nationale, l’Université Queen’s et Women In International Security Canada tiendront à la fin du mois de mai un 8e atelier annuel sur les diverses thématiques du rôle des femmes dans la défense et la sécurité internationale.