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le Mardi 24 mars 2015 10:15 Société

Les nouvelles règles du CRTC offrent du potentiel

Un groupe de participants à l’émission Le 5e élément, une série des Productions du Milieu pour la chaîne UNIS. (Photo : UNIS)
Un groupe de participants à l’émission Le 5e élément, une série des Productions du Milieu pour la chaîne UNIS. (Photo : UNIS)

Jean-Pierre Dubé (Francopresse)

En éliminant les quotas de contenu canadien à la télé durant la journée, le CRTC semble retirer son appui à la production régionale.

Un groupe de participants à l’émission Le 5e élément, une série des Productions du Milieu pour la chaîne UNIS. (Photo : UNIS)

Un groupe de participants à l’émission Le 5e élément, une série des Productions du Milieu pour la chaîne UNIS. (Photo : UNIS)

« Avec les 4 milliards qui circulent, il y a assez de fonds dans le système pour assurer le contenu canadien, estime le vice-président de l’Alliance des producteurs francophones du Canada, Jean-Claude Bellefeuille. Le CRTC est comme Robin des bois qui en prend à droite pour en donner à gauche. Les gens semblent optimistes sur une redistribution.

« On a été surpris sur le coup, admet-il. Quel type d’opportunités est-ce qu’on aura ? On ne le sait pas, on n’a pas d’interlocuteur pour répondre à nos questions. Mais on va travailler avec ce qui existe. Dans le discours du CRTC, les communautés de langue officielle sont importantes. Les quotas de 50 % de contenu canadien aux heures de grande écoute sont maintenus. »

Le président du CRTC, Jean-Pierre Blais, a annoncé le 12 mars le maintien des quotas de 18 h à 23 h. Mais l’organisme de réglementation éliminera l’obligation de diffuser un minimum de 55 % de contenu canadien avant 18 h 00.

« Aberrent, selon le président de la Fédération culturelle canadienne-française, Martin Théberge. Les changements vont à l’encontre de ce qui devrait être fait. Les chaînes et les producteurs des communautés francophones sont déjà en compétition avec d’autres. On augmente la compétition et on réduit les mesures de protection. »

Il y aura moins de contenu canadien pour les francophones, moins d’émissions pour enfants et pour les gens à la maison, comme sur la cuisine et le jardinage, dénonce le président de la Fédération.

« Les décisions sont basées sur le marché et les cotes d’écoute. On va se retrouver avec davantage de référents américains et européens. L’embauche d’auteurs, de réalisateurs et de producteurs de chez nous va aussi diminuer. Le résultat va être économique : des gens vont perdre leur emploi et des entreprises ne survivront pas. »

La présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne est également préoccupée. « Le CRTC dit vouloir miser sur les dépenses en production d’émission canadienne plutôt que sur le nombre d’heures diffusées, explique Marie-France Kenny, et favoriser ainsi la qualité plutôt que la quantité. Il essaie de nous convaincre que moins c’est mieux ; il aura fort à faire pour y parvenir lorsque c’est la souveraineté culturelle et l’identité de notre pays qui sont en jeu. »

Même le milieu culturel au Québec s’inquiète d’une perte de développement identitaire, souligne Jean-Claude Bellefeuille. « L’identité, c’est le cheval de bataille de l’Alliance. Mais l’Union des artistes du Québec en a parlé et c’est la première fois aussi qu’on entendait ce discours identitaire de la ministre de la Culture. »

Le porte-parole des producteurs francophones n’est pas certain que l’avenir va s’assombrir. « On peut avoir des inquiétudes. Le CRTC ne fait pas de nuances entre le marché francophone et anglophone. C’est comme si on disait : abolissons la Loi sur les langues officielles et appuyons-nous sur la bonne volonté des Canadiens. C’est inquiétant.

« Mais pourquoi y aurait-il moins de contenu canadien, lance-t-il ? Le CRTC ne dit pas qu’il faut arrêter d’en produire. On va laisser les diffuseurs la liberté d’en faire durant le jour. »

Le producteur de Moncton dresse ce sommaire des outils des communautés francophones : des services de Radio-Canada, une partie des programmes d’UNIS, la programmation de TFO, les crédits d’impôt des provinces, les quelque 12 millions annuels de financement fédéral comme leviers de production en milieu minoritaire et les 20 membres de l’Alliance.

« Si on éliminait l’investissement annuel du fédéral, signale Jean-Claude Bellefeuille, ce serait catastrophique, tout comme la fin des crédits d’impôts. L’équilibre est fragile, préoccupant. On peut être en alerte, mais on ne doit pas crier au loup. Il y a encore des possibilités et ça peut nous rendre fébriles. »

Lors son assemblée annuelle à la fin mai, l’Alliance recevra un porte-parole du CRTC pour une journée de dialogue sur les changements dans la politique de télédiffusion. Le CRTC prévoit tenir un sommet national cet automne pour explorer avec les acteurs du milieu les moyens pour aider le public à identifier les productions canadiennes.