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le Lundi 16 mars 2015 10:10 Société

Un Canada pacifique et multiculturel ?

La professeure Stéfanie von Hlatky se spécialise en politique étrangère du Canada et des États-Unis, sur les questions liées à l'OTAN et en interventions militaires. (Photo : Philippe Lacoursière)
La professeure Stéfanie von Hlatky se spécialise en politique étrangère du Canada et des États-Unis, sur les questions liées à l'OTAN et en interventions militaires. (Photo : Philippe Lacoursière)

Jean-Pierre Dubé (Francopresse)

Impuissants comme Casques bleus à protéger les civils dans les années 1990, nos militaires ont été pleinement habilités au combat après le 11 septembre 2001. Maintenant déployés en Iraq, ils sont aussi armés au Canada où plane une menace terroriste.

La professeure Stéfanie von Hlatky se spécialise en politique étrangère du Canada et des États-Unis, sur les questions liées à l'OTAN et en interventions militaires. (Photo : Philippe Lacoursière)

La professeure Stéfanie von Hlatky se spécialise en politique étrangère du Canada et des États-Unis, sur les questions liées à l’OTAN et en interventions militaires. (Photo : Philippe Lacoursière)

« On pourrait faire plus en Iraq, estime Stéfanie von Hlatky, directrice du Centre for International and Defence Policy et professeure adjointe à l’Université Queen’s, à Kingston. Mais la population est frileuse par rapport au risque. On n’a pas d’exemple de succès militaire retentissant et ça fait une différence. Si on n’avait pas eu la guerre en Afghanistan, on serait prêt à prendre plus de risques. Cette mission a été très longue et coûteuse. »

Les décisions de sécurité appartiennent à l’exécutif du gouvernement, étant donné les enjeux de confidentialité, note l’analyste. Mais la population exerce toujours une grande influence. « Le parti au pouvoir est très sensible à l’opinion publique en période électorale. Le premier ministre est plus prudent que normalement pour éviter des répercussions sur le vote, au cas où ça tourne mal.

« Le niveau de danger est assez faible pour l’instant, soutient la professeure de science politique. La menace semble aléatoire et imprévisible, ce qui choque les Canadiens. Le but des terroristes est de poser des gestes symboliques pour faire passer un message politique. Ces Canadiens sont aussi des criminels de guerre. Quand certains se radicalisent, ça complique la belle histoire du multiculturalisme canadien. »

Fondé en 1975, le CIDP a pour mandat de mener des recherches sur la sécurité nationale et internationale en vue de participer au débat public sur les politiques en matière de défense, de sécurité et de paix.

La menace de l’étranger qui pèse sur le Canada est la première depuis la guerre froide, selon Stéfanie von Hlatky. L’État islamique établie en Iraq et en Syrie a invité ses sympathisants de partout dans le monde à frapper les populations des pays membres de l’alliance internationale réunie pour le combattre.

« Beaucoup de gens s’étonnent que les militaires n’ont jamais été armés au pays. Le territoire canadien sert uniquement à l’entrainement. » Que nos soldats soient armés signale d’énormes changements politiques, croit-elle.

« Les flous en matière de politique sont présents à plusieurs niveaux, par exemple entre l’international et le national. Il y a des individus qui font des actes au pays ou qui vont combattre pour l’État islamique. Le projet de loi C-51 tente de prévenir la menace terroriste et y répondre sur le territoire canadien.

« En Iraq, le rôle du Canada est limité, explique Stéfanie von Hlatky. Les paramètres sont élaborés par les Américains et l’intervention est basée sur les capacités aériennes et d’entraînement. Les membres de la Coalition sont invités à jouer un rôle mais ils ont une influence limitée.

« La situation là-bas est difficile à comprendre et la mission est dangereuse. Il y a beaucoup de joueurs sur le terrain et, en plus de nos partenaires habituels, on a des alliés non traditionnels. Il y a des problèmes de communication, ce qui explique l’incident que l’on a vécu récemment avec la mort d’un sergent canadien (Andrew Doiron). »

Selon la directrice du CIDP, le Canada a tourné la page sur son identité de défenseur de la paix avec les Casques bleus de l’ONU. « On participe à plusieurs missions mais ce n’est plus une priorité. Un profond désillusionnement a suivi nos interventions au Rwanda, en Bosnie et en Somalie. » Elle rappelle que des soldats, tels que le général Roméo Dallaire, ont été dans l’horreur les témoins impuissants de génocides.

« Nos militaires ont obtenu une pleine capacité et la politique canadienne a permis de construire une force multi-rôle. Les soldats canadiens peuvent maintenant tout faire, du service humanitaire à la mission d’urgence. On a une des forces les plus versatiles au monde. »

Le CIDP tiendra les 17 et 18 avril à l’Université Queen’s un atelier portant l’impact de la culture militaire sur les politiques d’alliance et de coalition.