Jean-Pierre Dubé (Francopresse)
Le nombre de demandes traitées par le Programme d’appui aux droits linguistiques (PADL) a plus que doublé depuis sa création, passant de 19 en 2010 à 44 en 2015. Mais ce n’est pas tout. Le programme qu’il a remplacé est encore actif malgré son abolition en 2006.
La Presse canadienne a révélé le 4 mars que le Programme de contestation judiciaire du Canada (PCJC avait en 2013 encore 36 dossiers à conclure sur les 400 causes actives au moment de son abolition par le gouvernement conservateur. Fondé en 1994, le PCJC a servi à financer des litiges en matière de droits linguistiques et de droits à l’égalité sous la Charte canadienne des droits et libertés.
Selon des documents obtenus grâce à la Loi sur l’accès à l’information, les gestionnaires du PCJC estimaient devoir consacrer encore de cinq à sept ans et 4,5 millions $ pour fermer les livres. L’agence cite un document d’août 2014 destiné à la ministre Shelly Glover.
Le PCJC est un organisme autonome, précise l’attachée de presse de la ministre, Marisa Monnin. « Patrimoine canadien ne dispose pas de renseignements concernant le détail des litiges financés. Le Programme de contestation cessera ses opérations quand tous les cas auront terminé les différents processus judiciaires. Il est impossible de prévoir avec certitude le temps qui sera nécessaire. »
Le PADL a été créé en 2009 suivant de fortes pressions des communautés en milieu minoritaire. Contrairement au PCJC, il ne couvre pas les droits à l’égalité, mais seulement les droits linguistiques. Selon sa directrice, Geneviève Boudreau, les deux programmes fédéraux sont distincts. « On n’a pas de lien avec l’autre programme. Dans notre accord de contribution avec le ministère, il est clair qu’on ne peut pas financer les mêmes causes. »
« Le Programme de contestation a été aboli et n’accepte pas de nouvelles demandes, précise-t-elle. S’il est encore actif, c’est pour respecter les engagements pris avant 2006. Ça peut prendre jusqu’à dix ans pour que certains litiges aboutissent: il y a le dépôt, puis le procès, les appels et certains peuvent aller jusqu’en Cour suprême. »
Le volet des droits à l’égalité du PCJC vise les litiges en matière de race, sexe, couleur, âge et religion. Le dernier rapport annuel publié (2007-2008) rend compte de revenus de 2,4 millions et confirme la répartition entre les deux volets estimée par Marisa Monnin. « Environ deux tiers du financement est allé aux droits à l’égalité et un tiers aux droits linguistiques. »
Alors sous la présidence de l’Ontarien Guy Matte, l’organisme avait dressé un bilan de ses 12 ans d’existence. Des fonds totalisant 25,8 millions avaient été engagés pour 909 causes (sur 1 455 demandes reçues) dans le volet égalité et 317 causes (sur 419 demandes reçues) dans le volet linguistique. La répartition par volet des causes en instance n’est pas connue.
Le PADL a le mandat d’informer le public et de promouvoir les droits. « On est un organisme qui vulgarise le droit et l’état du droit, ajoute Geneviève Boudreau. La jurisprudence vient expliquer et interpréter ce qu’il y a dans les lois, la Charte et la Constitution. C’est un arbre vivant qui continue à évoluer. »
Les droits linguistiques couvrent l’éducation, la liberté d’expression, la législation, les services et l’accès à la justice. Avec son budget annuel de 1,5 millions (2013-2014), le PADL appuie des études exploratoires (incluant des modes alternatifs de résolution de conflits), des études d’impact et des litiges.
Le Programme a financé l’an dernier sept sur 16 demandes de procès, deux sur trois demandes d’appel et aucune de trois demandes d’intervention. Il a aussi appuyé 7 sur 9 demandes d’aide à la résolution de conflits et 6 sur 7 demandes d’études d’impact.
Geneviève Boudreau est encouragée par la constante hausse des demandes. « C’est sûr que les communautés sont actives partout au Canada dans tous les domaines des droits linguistiques. L’avancement et la clarification des droits intéressent et préoccupent les communautés de langue officielle.
« L’éducation a été à chaque année depuis les débuts le domaine où les demandes sont les plus nombreuses et les plus financées, rappelle-t-elle. Les communautés ont toujours vu l’éducation comme étant très importante pour elles. »
En effet, plusieurs causes d’envergure en éducation sont devant les tribunaux dans deux provinces (Saskatchewan et Colombie-Britannique) et deux territoires (Yukon et TNO). Celle du Yukon a été entendue en Cour suprême du Canada en janvier. Un nouveau cas en gestion scolaire a été intenté en février contre le gouvernement du Nunavut.