le Jeudi 10 octobre 2024
le Lundi 9 mars 2015 9:27 Société

« L’État n’est plus le seul acteur »

Un groupe de partenaires de l’Alliance de recherche réunis à l’Université d’Ottawa pour le partage de ressources et de trouvailles. (Photo : ARUC)
Un groupe de partenaires de l’Alliance de recherche réunis à l’Université d’Ottawa pour le partage de ressources et de trouvailles. (Photo : ARUC)

Jean-Pierre Dubé (Francopresse)

Les organismes de la francophonie trouvent les moyens de s’adapter aux réalités changeantes. Par nécessité. Une nouvelle publication documente des pratiques réussies depuis 2000 au Nouveau-Brunswick et en Ontario.

Un groupe de partenaires de l’Alliance de recherche réunis à l’Université d’Ottawa pour le partage de ressources et de trouvailles. (Photo : ARUC)

Un groupe de partenaires de l’Alliance de recherche réunis à l’Université d’Ottawa pour le partage de ressources et de trouvailles. (Photo : ARUC)

« Le résultat le plus important de nos recherches, souligne la professeure de science politique de l’Université d’Ottawa, Linda Cardinal, c’est de documenter pourquoi les groupes ont choisi de se concerter. Pour plus d’efficacité, plus d’impact et pour assurer leur pérennité. Les organismes ont appris à travailler ensemble pour augmenter leur influence. »

L’ouvrage des Presses de l’Université Laval, intitulé Gouvernance communautaire et innovations au sein de la francophonie néobrunswickoise et ontarienne, sera lancé le 18 mars à l’Université de Moncton. Il documente comment les communautés ont influencé les politiques publiques en arts et culture, économie, santé, immigration, jeunesse et en justice.

Le texte de 294 pages sous la direction de Linda Cardinal et de Éric Forgues est le fruit des cinq ans de travaux de l’Alliance de recherche universités – communautés sur Les savoirs de la gouvernance communautaire (www.aruc.uottawa.ca). Fondée à l’Université d’Ottawa et financée par le Conseil de recherche en sciences humaines, l’Alliance a réuni une 40e d’organismes communautaires, d’entreprises et de chercheurs.

« On ne peut plus fonctionner en silos, soutient Linda Cardinal. Ce qui m’a frappée dans certains cas, c’est qu’on a appris à faire des projets ensemble. Chacun apporte son expertise. »

La responsable de l’initiative donne l’exemple « d’arrimage et de synergie » de la Coalition des intervenants en justice de l’Ontario. « C’est un réseau communautaire que le gouvernement a intégré dans ses pratiques et auquel il rend des comptes. La Coalition possède une expertise qui en fait un joueur-clé autour de la table. Les acteurs en justice ont vu qu’en réunissant leurs forces, ils se sont donnés plus d’efficacité. »

On parle ni plus ni moins de « revoir l’organisation du pouvoir » en matière de langues officielles. L’Alliance emprunte au chercheur Gilles Paquet cette définition de la gouvernance : « Le partage de pouvoir, du savoir et des ressources entre des acteurs travaillant ensemble dans une société où l’État n’est plus le seul acteur à intervenir en vue de la gouverne des politiques publiques ».

Éric Forgues est le directeur général de l’Institut canadien de recherche sur les minorités linguistiques, de l’Université de Moncton : « On s’est rendu compte qu’un virage s’est fait vers la gouvernance. C’est maintenant l’approche qui domine. Travailler ensemble au lieu de s’isoler est porteur d’innovation. On parle d’organisations apprenantes.

« L’Alliance a voulu contribuer à ce virage, poursuit le chercheur, en documentant comment la pratique de collaboration est devenue un savoir stratégique. On a essayé de comprendre d’où ça vient et jusqu’à quel point les organismes collaborent. »

Au Nouveau-Brunswick, explique-t-il, le nombre d’organismes francophones est passé de dix à 80 depuis 1970. « Il y a plus de complexité, plus d’initiatives et une spécialisation des tâches. Le besoin de coordination a mené à la création d’un forum des organismes, qui s’est établi chez nous avant les autres provinces.

Le travail en commun demande de la confiance réciproque, a découvert Éric Forgues. « La logique des réseaux exige de la transparence, de l’engagement, une bonne organisation et des suivis. L’approche n’est pas autoritaire ou hiérarchique, il n’y a pas de place pour les agendas cachés. Des liens dynamiques doivent être entretenus. »

Linda Cardinal précise que les réseaux de santé fonctionnent sur la base d’expertises, dont celles des collèges et universités. « Le Consortium national de formation en santé a été constitué sur la concertation de cinq partenaires incontournables » : communautés, professionnels, gouvernements, établissements de formation et institutions de soins.

Les pratiques communautaires de la Société santé et mieux-être en français du Nouveau-Brunswick ont été documentées par Éric Forgues. « Comme les gens du gouvernement participent aussi, le réseau peut avoir une influence sur les décisions. On a choisi de ne pas faire de politique ni de revendication. C’est un choix stratégique qui met l’accent sur la recherche de solutions et l’atteinte de résultats. On laisse à d’autres le rôle politique. »

Les conclusions de Linda Cardinal : « On a réussi à faire reconnaître l’importance de la recherche en milieu communautaire. On a donné à nos partenaires le temps de réfléchir sur leur rapport à d’autres groupes et au développement de leur milieu. »