Nicole Bauberger a créé ce prix cette année pour honorer des artistes qui touchent sa sensibilité. « Il n’y a pas d’argent associé. Je fais un cadeau particulier, inspiré par les démarches de l’artiste que je récompense », explique-t-elle. « Remettre ce prix me fait me sentir bien, me fait me sentir empowered comme artiste. Mon cœur aime célébrer et ça me donne de la force à continuer moi-même. »
La première récipiendaire du Prix Bauberger n’est nulle autre qu’Annie Maheux, pour sa réalisation artistique de Eat Art Échanges thermiques. « Ça m’a apporté dans une nouvelle place de mon imaginaire que je ne savais pas qui existait », détaille Nicole Bauberger, artiste d’expression française. « Le moment où j’étais assise, les pieds de la chaise enfoncés dans la neige, la chaleur du propane au-dessous de la table, et je regardais le fleuve pas complètement gelé, les icebergs sortant de l’eau et la lumière tombant sur la neige. La lumière et les ombres. Et là, Annie [Maheux] venait avec de la nourriture magnifique, poétique. En racontant ce moment, je me sens encore là-bas! »
Courant apparu dans les années 1960, le Eat Art, ou l’art du manger, lie la nourriture à la création artistique. Depuis son arrivée au Yukon depuis Montréal en 2019, Annie Maheux propose des expériences culinaires pour faire naître des sentiments auprès de son auditoire en stimulant ses sens.
Pour elle, « c’est un prix de qualité communautaire pas pompeux, mais très prestigieux ». L’artiste est fière de cette reconnaissance par ses pairs. « C’est la première fois que je gagne un prix pour du Eat Art. Ça a toujours été une pratique qui était en développement, qui était difficile à faire comprendre aux gens. Alors recevoir le Prix Bauberger par une personne qui a compris mon art, qui a vécu la performance, c’est vraiment une récompense de qualité qui me rend heureuse d’évoluer dans une communauté qui est prête à me laisser de la place », rapporte-t-elle.
Une performance en constante évolution
Le projet Échanges thermiques a vu le jour à l’automne 2021 alors qu’Annie Maheux suivait des cours en ligne de création culinaire. « La pandémie m’a donné accès à des cours de food design qui sont en Europe auxquels je ne pouvais pas accéder en temps normal », raconte-t-elle.
Pendant l’été 2021, elle suit le cours sur les principes fondamentaux de la création culinaire de la Néerlandaise Marije Vogelzang, puis enchaîne avec une session « niveau avancé » à l’automne, pour laquelle elle doit développer un projet tangible et significatif. Les prémices d’Échanges thermiques étaient là.
En janvier 2022, elle peaufine son concept lors de la résidence d’artiste Arctic Circle à l’hôtel Eagle Plains. « Quand on est au Yukon, on ne peut pas ignorer l’environnement dans lequel on performe. Cette résidence m’a permis de vraiment mettre en action mon projet. Je voulais tester certains éléments de la performance, des chauffages en dessous des tables, des fours, dans un environnement très froid », élucide-t-elle.
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Depuis, avec l’aide de Christophe Ballet, un cuisinier d’expérience, Annie Maheux a présenté quatre fois Échanges thermiques : lors des Rendez-vous de la francophonie en mars 2022, au festival Yukon Rendezvous de février 2023, puis au Snowkings’ Winter Festival de Yellowknife en mars 2023, et enfin au (s)hiver Festival de Dawson en février 2024.
Pour elle, les performances de Eat Art ne s’arrêtent pas, mais il est temps d’élaborer un nouveau projet. « J’ai le sentiment qu’on a poussé le concept le plus loin qu’on pouvait. C’est intéressant d’ailleurs d’avoir ce sentiment, puis d’avoir un prix », conclut-elle.
IJL – Réseau.Presse – L’Aurore boréale
Un prix pour inspirer d’autres artistes
Le Prix Bauberger, « c’est un peu comme une pièce d’art en lui-même », selon sa créatrice, Nicole Bauberger. Ne se retrouvant pas nécessairement dans les prix artistiques existants, elle a souhaité mettre en place sa propre récompense pour reconnaître le travail d’artistes qui l’inspire.
« C’est un prix subjectif, car c’est ce qui me plaît à moi. Mais c’est un geste social fun, qui démontre que c’est accessible [à tout le monde de créer son propre prix]. Ce ne sont pas seulement les gouvernements, les institutions ou les personnes qui ont beaucoup d’argent qui peuvent le faire », détaille-t-elle. Le but de l’artiste est d’inspirer ses pairs à faire de même pour partager leurs propres sensibilités avec le public.
« Le fait que Nicole s’est donné le droit de créer un prix m’a beaucoup influencé. Ça m’a donné l’intérêt de peut-être créer un prix pour encourager et stimuler l’utilisation de la nourriture en art », indique Annie Maheux. « Elle ouvre une porte sur comment être proactif plutôt que d’attendre d’être récompensée. »
Pour ce prix informel donc, il n’y a pas de règles. Nicole Bauberger le remettra à des artistes dont les créations ou réalisations artistiques la toucheront jusqu’à la fin de sa vie.