Un bon steak de mammouth, avec ça? Les os d’un enfant mort il y a 12 800 ans, à l’âge de 18 mois, suggèrent que les premiers habitants des Amériques se nourrissaient abondamment de viande de mammouth.
Pas moins de 40 % de leur régime alimentaire provenait en effet de cet animal, ce qui serait énorme pour n’importe quelle population humaine. Étant donné que l’époque correspond à celle où les glaces se retiraient de l’Amérique du Nord, il avait toujours été clair que les premières populations humaines avaient chassé le mammouth, mais on n’avait jamais pu en estimer l’ampleur.
Les plus anciens outils de pierre suggèrent que les habitants de la Béringie — le territoire qui, à l’époque, ne formait qu’un entre l’est de la Sibérie et l’ouest de l’Alaska — ont commencé à descendre vers le sud il y a 14 à 15 000 ans. L’enfant en question est mort dans ce qui est aujourd’hui le Montana. Une analyse de son génome avait déjà démontré une filiation avec une partie des Premières Nations d’aujourd’hui.
C’est à présent une analyse des ratios de certains atomes d’oxygène et d’azote dans le collagène des os de cet enfant, appelé Anzick-1, qui a permis de déterminer ce qu’il mangeait, en les comparant aux ratios présents dans les ossements des animaux de la même époque. Explication : différentes espèces de plantes ont différents ratios, ce qui laisse en retour une empreinte caractéristique chez chaque espèce d’herbivore, en fonction de son régime alimentaire. Résultat, on peut savoir, en analysant le collagène d’un carnivore, de quel herbivore il se nourrissait. La recherche est parue le 4 décembre dans la revue Science Advances.
Comme Anzick-1 n’avait que 18 mois, ces 40 % reflètent aussi le régime alimentaire de sa mère. S’il avait été plus vieux et avait donc mangé de la nourriture solide depuis plus longtemps, le ratio aurait peut-être été encore plus élevé.
Pour les experts qui débattent de ce que ces peuples mangeaient — et chassaient — c’est la première étude qui apporte une information aussi tangible pour soutenir l’un des deux arguments : l’un, selon lequel la « culture Clovis » était composée de chasseurs « généralistes », qui ciblaient des animaux de toutes les tailles; l’autre, selon lequel il s’agissait de chasseurs « spécialisés » dans la mégafaune de l’époque — soit les grands animaux aujourd’hui disparus, comme le mammouth. Certains outils de pierre identifiés au fil des années ont suggéré qu’ils ne devaient servir qu’à tuer et dépecer de très grands animaux.
Si cette recherche fait donc encore plus pencher la balance vers des chasseurs spécialisés, il reste qu’il ne s’agit que d’un seul enfant dans une seule région. Il faudra d’autres os avec suffisamment de collagène pour mettre fin au débat.
Mais en attendant, il y a cet autre argument qui rôde en arrière-plan depuis des décennies : la disparition de la mégafaune coïncide avec l’arrivée de ces premiers humains sur le continent nord-américain. Le retrait de la calotte glaciaire a sûrement joué un rôle dans leur disparition, mais des chasseurs spécialisés pourraient avoir joué un rôle plus déterminant encore…
Lien vers l’article original :