Tous les êtres vivants partagent le même code génétique, ce qui signifie qu’ils ont un ancêtre commun. À combien de milliards d’années remonte-t-il et, surtout, de quel genre d’organisme s’agissait-il? Ces questions, qui sont aux frontières de la biologie depuis longtemps, viennent de donner lieu à une nouvelle recherche plongeant dans les profondeurs du code génétique.
Si certains gènes se retrouvent chez toutes les espèces vivantes, c’est en effet parce qu’ils ont été transmis en ligne directe depuis un même ancêtre commun. Or, en étudiant comment ces gènes ont évolué au fil du temps, il serait théoriquement possible d’évaluer quand vivait cet ancêtre. C’est la stratégie qu’ont utilisée des chercheurs du Royaume-Uni, des Pays-Bas et de la Hongrie dans une récente étude publiée dans Nature Ecology & Evolution.
Ces scientifiques ont ainsi reconstruit un « arbre généalogique » des êtres vivants à partir duquel ils estiment à 4,2 milliards d’années l’âge du plus récent ancêtre commun (en anglais, LUCA, pour last universal common ancestor). C’est beaucoup plus tôt que d’autres chercheurs ne l’avaient suggéré, soit seulement quelques centaines de millions d’années après la formation de notre planète.
L’organisme en question était probablement un être unicellulaire sans noyau, semblable à une bactérie. Mais il était aussi plus avancé que ce que plusieurs chercheurs ont également suggéré, commente dans le New Scientist l’un des auteurs de la recherche. Son génome permettait de produire environ 250 protéines. Il vivait sans oxygène et tirait son énergie de l’hydrogène. Comme il possédait déjà des gènes pour le protéger des rayons ultraviolets, il vivait peut-être à la surface de l’océan, remarquent les chercheurs, mais possiblement aussi dans les profondeurs, près des fosses hydrothermales.
De plus, cet ancêtre faisait vraisemblablement partie d’un écosystème peuplé d’autres bactéries primitives, aujourd’hui disparues. Il disposait également d’un système primitif pour se défendre contre les virus, eux aussi déjà présents.
En plaçant LUCA il y a 4,2 milliards d’années, cette étude le fait apparaître avant le « grand bombardement tardif », le nom donné à une période d’augmentation des impacts de météorites, sur la Terre et sur la Lune. Les scientifiques croyaient jusqu’alors impossible que la vie ait pu survivre à cet événement, et plaçaient pour cette raison LUCA plutôt il y a 3,8 milliards d’années.
Cependant, l’existence du grand bombardement tardif est maintenant remise en question, écrivent les auteurs de l’étude. Cet argument ne semble toutefois pas suffisant pour convaincre un scientifique français interrogé par le New Scientist. Pour lui, cette conclusion signifie que la stratégie utilisée dans cette étude pour dater LUCA est problématique.
L’un des auteurs de l’étude admet que ces résultats ne constituent qu’un point de départ pour en savoir plus sur notre ancêtre commun. Il convient que le modèle proposé comporte probablement des erreurs, mais que celles-ci pourront être corrigées dans des études à venir.