le Mercredi 22 janvier 2025
le Jeudi 27 juin 2024 7:44 Actualités

Écoanxiété : moteur artistique

Avec ses œuvres, comme « Lone High-rise », Lisa Theriault illustre les changements climatiques et les paysages désolés qu’ils laissent. Elle a fait ce dessin lors du passage de l’ouragan Fiona. — Photo : Lisa Thériault
Avec ses œuvres, comme « Lone High-rise », Lisa Theriault illustre les changements climatiques et les paysages désolés qu’ils laissent. Elle a fait ce dessin lors du passage de l’ouragan Fiona.
Photo : Lisa Thériault
En engageant nos émotions et nos sens, l’art permet de s’emparer de l’écoanxiété pour créer, apaiser les angoisses, mais aussi susciter des actions positives face aux changements climatiques et imaginer un avenir radieux.

Pour Geneviève Gagnon, l’art peut créer des occasions de connexion et de dialogue, et ainsi briser des sentiments d’isolement reliés à l’écoanxiété.

Photo : Fournie

« Le geste créatif possède des qualités apaisantes. Ça peut vraiment nous aider à calmer notre système nerveux. C’est une activité qui engage tous nos sens et qui peut vraiment nous aider à connecter au moment présent », témoigne Geneviève Gagnon, conseillère généraliste à la division yukonaise de l’Association canadienne pour la santé mentale.

« C’est une manière de prendre action, parfois d’avoir un sentiment de contrôle ou d’efficacité […] par rapport à nos émotions et par rapport à l’immensité de ce problème qu’est la crise climatique. »

Selon elle, les gens ont raison d’éprouver de l’anxiété. Elle est d’avis que, ce qu’il faut faire, c’est utiliser cette émotion de manière constructive. « On ne peut pas seulement “penser” au changement climatique, on doit “ressentir” ces effets afin de réagir. »

L’art comme thérapie

Au Yukon, Geneviève Gagnon propose des séances d’art-thérapie pour essayer de comprendre le poids des changements climatiques sur la santé mentale des Yukonais.

Dans un de ses programmes, la spécialiste se rend dans la nature pour offrir « des opportunités de self-reflection pour apprendre par rapport à nous-mêmes ». Certaines personnes se confient alors parfois sur leurs inquiétudes liées aux changements climatiques.

Notamment « les jeunes, les gens qui passent beaucoup de temps dehors, qui ont une connexion à la nature – et on s’entend qu’il y a beaucoup de gens au Yukon qui ont cette connexion –, les peuples autochtones […] les pompiers pour les feux de forêt », énumère-t-elle.

« Il y a une ouverture d’esprit au fait que ça a un impact et que ça va continuer à avoir un impact sur notre santé mentale. » Il reste donc important pour elle de bien s’outiller pour répondre à ces préoccupations.

Pour Lisa Theriault, l’art peut également avoir une incidence communautaire, notamment s’il se traduit par des événements pour le public.

Photo : Stewart MacLean

Réinventer l’avenir

À l’Île-du-Prince-Édouard, l’artiste visuelle Lisa Theriault a été profondément marquée par le passage de l’ouragan Fiona, en 2022. « Quand je vois les paysages autour de moi, on voit que les forêts sont vraiment impactées par cet ouragan et les arbres ont tremblé partout. »

Dans ses dessins, elle fait référence à ces arbres, à l’érosion et aux plages malmenées par les aléas du climat.

Selon elle, l’art est une façon « d’imaginer un avenir différent, où on peut peut-être changer les impacts de la crise climatique ».

« C’est une façon de lutter contre ça et aussi de commencer une conversation avec le public sur un sujet qui est vraiment difficile ou peut-être triste, mais d’une façon plus positive. Si on dessine un avenir ensemble, c’est une façon positive de penser à l’avenir. »

L’art permet ainsi d’envisager la crise climatique sous une autre perspective et d’imaginer l’avenir autrement. « On peut créer de nouvelles réalités, ce qui est fondamental pour résoudre ces problèmes globaux », complète Geneviève Gagnon.

Mettre des mots

En Colombie-Britannique, EcoNova propose des ateliers, notamment dans les écoles, autour des questions environnementales.

En créant des concours artistiques à destination des jeunes, qui misent autant sur la chanson que la bande dessinée, l’organisme veut créer un espace pour que ceux-ci puissent mettre des mots sur leur écoanxiété.

Aux yeux de Caroline Malczuk, la communauté francophone peut représenter une force : « Il y a une certaine solidarité, une certaine écoute, qui fait qu’il y a certains messages qu’on fait passer et qui sont peut-être plus entendus par des personnes qui parlent notre langue. »

Photo : Fournie

« Il y a plusieurs activités, comme le dessin, la musique, la chanson, qui vont être des soupapes pour les jeunes, pour les adultes, pour libérer certaines de ces émotions », décrit Caroline Malczuk, éducatrice à l’environnement au sein d’EcoNova.

« Pour certains, ça va être l’art, pour d’autres, le sport, la randonnée, aller marcher dans la nature. En fait, le tout c’est de trouver des espaces où on peut laisser nos émotions sortir ou apprendre à les gérer pour ne pas qu’elles se retournent contre nous et qu’elles nous fassent du mal. »

Culture environnementale

« Parce que quand on écrit une chanson, on est dans l’action. Quand on fait une BD, on est dans l’action. Et à travers ces actions-là, on fait passer des messages, on crée de nouveaux imaginaires qui vont après nourrir une pensée collective […] Ça vient créer une culture environnementale dans laquelle on peut aller chercher des valeurs, des idées d’action », poursuit Caroline Malczuk.

Malheureusement, selon elle, « quand on parle d’écologie, on parle de punition, de restrictions de liberté, alors qu’en fait, ça peut être une façon de vivre qui soit très positive, très agréable ».

« Mais combien de récits, d’histoires, de films, de poésie nous permettent d’imaginer ce monde-là? Pas forcément beaucoup, regrette-t-elle. Pour nous, la création artistique est importante dans le sens où c’est une première chose qui nous permettrait de construire un monde un peu plus écologique et durable, parce qu’on ne peut créer un monde que si déjà on l’imagine. »

« Ce n’est pas une maladie mentale »

« L’écoanxiété, c’est l’ensemble des émotions qui sont liées à notre peur du changement climatique et de la transformation. Ça peut être la peur, la colère, la tristesse, la culpabilité, mais aussi des émotions comme la joie et l’espoir », rappelle Caroline Malczuk, éducatrice à l’environnement à EcoNova, reprenant la définition de la pédopsychiatre Laelia Benoit.

« Ce n’est pas une maladie mentale, ce n’est pas quelque chose qu’il faut soigner, contre lequel il faut lutter, insiste-t-elle. C’est plutôt quelque chose qu’il faut constater. »

« C’est une conscience du monde qui est justifiée, parce qu’il y a un danger. C’est normal de ressentir des émotions par rapport à une menace qui est réelle. »