Les consultations de l’École de politique publique de l’Université de Calgary sur le corridor nordique canadien ont été menées dans 18 communautés du Canada central et nordique, dont Hay River, Whitehorse, Tuktoyaktuk et Kugluktuk pour ce qui est des T.N.-O.
À la base, le corridor nordique se présente comme un futur réseau septentrional pancanadien de transport routier, ferroviaire et pipelinier, de télécommunications et de distribution d’électricité, connecté au Sud. Le corridor permettrait d’accroitre les exportations sans passer par les États-Unis; ses promoteurs avancent qu’il diminuerait le cout de la vie dans le Nord et favoriserait la souveraineté canadienne en Arctique.
Une seule voix
« En regard de la coopération panterritoriale, résume la chercheuse Katharina Koch, nous avons entendu des participants des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et du Yukon exprimer leur souhait que les territoires agissent de manière plus collaborative, comme une seule région, pour défendre leurs intérêts communs […] comme le logement, l’insécurité alimentaire, les défis des changements climatiques. Leur impression est que les premiers ministres des territoires pourraient avoir une voix plus forte […] Selon eux, ça n’a pas été travaillé à un niveau suffisant pour résoudre des problématiques communes. »
À Tuktoyaktuk, dit Mme Koch, des participants ont évoqué la création d’une route reliant les T.N.-O. au Nunavut, qui faciliterait le transport de marchandises, plutôt que d’avoir à se fier au transport par barges.
« Les participants des T.N.-O. ont aussi exprimé le désir de collaborer avec le gouvernement du Yukon, avec le Yukon en général, poursuit Mme Koch, aussi coauteure du document de synthèse des consultations. Les deux territoires sont connectés d’un point de vue économique. »
Des initiatives ponctuelles
Les assises de collaborations panterritoriales semblent ponctuelles. Les gouvernements des territoires n’ont pas répondu à nos demandes de préciser les initiatives en cours ou à venir. Il y a néanmoins le Forum annuel des premiers ministres du Nord qui s’est réuni en mai dernier à Inuvik pour parler d’infrastructures, de minéraux critiques, de logement, du marché du travail, etc.
Une entente panterritoriale sur le sport a reçu 394 000 $ du gouvernement ténois en mars 2023; en 2022, une étude d’investissement sur le secteur minier était réalisée conjointement. Le Partenariat panterritorial sur l’adaptation, qui réunissait aussi, notamment, l’Alaska et des gouvernements autochtones, semble abandonné.
Commerce sans frontière
Le directeur général de la Chambre de commerce du Yukon, Luke Pantin, se dit d’accord avec l’affirmation que les citoyens des territoires bénéficieraient d’une meilleure cohésion entre les pouvoirs locaux.
« Nous avons commencé à mettre en pratique cette idée en ressuscitant une association entre les chambres de commerce des territoires, dit-il. Nous planifions à l’automne 2024 un événement majeur, Magnetic North, qui sera une conférence annuelle rassemblant les leadeurs de l’industrie et des affaires, les politiciens et les entrepreneurs des communautés nordiques et d’ailleurs. »
De son côté, l’Agence canadienne de développement économique du Nord (CanNor) présentait en 2019 sa Stratégie de croissance panterritoriale, qui se termine l’an prochain.
Deux programmes peuvent financer des projets panterritoriaux, Défi innovation alimentaire dans le Nord et un autre, sans nom, qui vise prioritairement le développement économique des entreprises et des collectivités. La manifestation d’intérêt pour ces projets uniques ou pluriannuels se termine le 20 novembre 2023.
L’annonce des finalistes de la phase 2 de Défi innovation alimentaire dans le Nord aura lieu plus tard cette année.
Cohésion régionale
Lors des consultations, la cohésion régionale mise de l’avant au niveau territorial a été valorisée ailleurs au Canada.
« Les communautés ont souvent exprimé des besoins similaires en infrastructures à travers les frontières provinciales et territoriales tout en se plaignant du manque de coopération interprovinciale ou interterritoriale », écrit-on dans The canadian northern corridor community engagement program : results and lessons learned (en anglais seulement).
« On a entendu parler du désir de coopération accrue entre le Nord de l’Alberta et le Sud des Territoires du Nord-Ouest, entre le Nord-du-Québec et le Labrador, énonce Katharina Koch […] Les gens de Kenora [Ontario] se sentent culturellement plus proches du Sud du Manitoba; ils y vont pour leur santé et pour leurs courses […] Mais lorsque les restrictions de la pandémie ont été mises en place, ils ne pouvaient plus traverser la frontière provinciale. »
Un axe modifié
Cette prépondérance d’une perspective régionale a modifié l’axe de recherche du corridor, le concept du projet évoluant vers une approche où les auteurs de l’étude recommandent des investissements fédéraux dans une évaluation basée régionalement pour déterminer les priorités en infrastructures, sans pour autant abandonner l’idée du corridor.
« Les gens aimaient généralement l’idée d’un corridor nordique, rapporte Mme Koch, mais il y a tellement de préoccupations sur comment ça pourrait se faire, particulièrement de la part des Autochtones. »
Le financement du projet de recherche, fourni par le Conseil de recherches en sciences humaines et le gouvernement de l’Alberta, est arrivé à terme cette année. L’équipe cherche à financer une seconde phase.
En personne et de manière virtuelle, 180 personnes ont participé aux consultations. « Plus le chiffre est haut, mieux c’est, concède la chercheuse, mais nous n’avons jamais cherché à atteindre un chiffre significatif d’un point de vue statistique. »
Les participants ont aussi abordé les thèmes de la démographie, de l’environnement, de la connectivité, du colonialisme.
IJL – Réseau.Presse L’Aquilon