Le dernier édito que j’ai écrit s’appelait Connexions. Quelle ironie, puisque j’écris celui-ci juste après une panne majeure qui a affecté le Yukon, le nord de la Colombie-Britannique et les régions de la vallée du Mackenzie et du delta de Beaufort. Les 10 et 11 mai, pendant une vingtaine d’heures, nous avons presque toutes et tous été obligé·e·s de nous passer de cellulaires, Internet, réseaux sociaux. Bref, de nos connexions « virtuelles ».
« En mai, fais ce qu’il te plait », dit l’adage.
Pour plusieurs, ne pas avoir Internet ou de réseau cellulaire a eu un côté très anxiogène. Difficile de voir le beau côté de la médaille lorsque « ce qui nous plait » se trouve de l’autre côté d’un écran… L’accent se tourne rapidement sur les « et si ». Et si Internet ne revenait pas? Et s’il y avait un réel danger? Et si nous avions besoin du 911? Et si ma famille s’inquiétait?…
Question température, ce serait plutôt la météo qui fait ce qui lui plait en ce moment! Le territoire se livre ces jours-ci à une danse capricieuse avec la météo. Feu de forêt d’un côté, neige surprise de l’autre…
Mais au-delà de ses caprices atmosphériques ou ses pannes du virtuel, ce mois est avant tout celui où nous sommes invité·e·s à suivre nos envies. Et souvent, ce qui nous plait le plus, au printemps, c’est de nous retrouver avec les personnes qui forment nos « tribus ».
Après un hiver passé à yukocooner, le printemps nous pousse à sortir.
À Whitehorse, faire ce qui nous plait, heureusement, pouvait être satisfait par un autre événement majeur de ce 11 mai dernier : La journée des vente-débarras.
Le temps d’une journée, sans téléphone ou Internet, la communauté s’est tournée vers l’autre. On a rencontré nos voisins, négocié un fauteuil ou fait un bon deal à un jeune qui se cherchait des chaussures de soccer. Bref, nous avons pris le temps de connecter. Sans écran.
Et de tous bords, cette saison est propice aux rassemblements, qui cachent en leur sein un sentiment essentiel : l’appartenance. Le fondement même de ce qu’on nomme une « communauté ».
Fin de saison, commémorations, célébrations. Nombreuses sont les occasions de reconnaitre ce qui nous unit.
Lors de la Journée de la francophonie yukonnaise, le 15 mai dernier, nous avons célébré notre culture et notre langue.
Plus de 300 personnes ont marché ensemble pour honorer le souvenir des femmes, filles et personnes bispirituelles autochtones assassinées ou disparues, le 5 mai dernier.
La marche silencieuse pour le droit à l’avortement, le 9 mai dernier, a réuni une foule qui défendait ses convictions, face au groupe en faveur « pro-vie ».
Le même jour, en soirée, la Fabrique d’improvisation du Nord célébrait, devant une salle comble, la fin d’une saison remplie de rires.
Commémorations, manifestations, célébrations, remises de prix, portes ouvertes, tournois sportifs ou événements de quartier. Nous avons toutes et tous des occasions de vivre des connexions et de les faire vibrer.
Il y a quelque chose de profondément humain dans le fait de vivre des moments avec des personnes qui partagent nos valeurs et nos intérêts. Ces rassemblements font partie d’un besoin intrinsèque à notre humanité. Ils nous permettent de nous sentir partie intégrante d’une communauté plus large.
Les liens que l’on y crée transcendent les frontières, physiques ou virtuelles. Au Yukon, où bon nombre d’entre nous sont loin de nos proches, nous tissons des familles locales. Ces personnes qui nous soutiennent et nous accompagnent à travers les vicissitudes de la vie, qu’il y ait ou non une connexion Internet, deviennent une richesse aussi précieuse que nos familles officielles, dans nos cœurs.
Dans cette édition, nous vous présentons d’ailleurs un membre de notre communauté journalistique, Vince Fedoroff. Avec regret, nous voyons s’éteindre le Whitehorse Star. Nous avons voulu vous montrer un peu de l’humain, derrière l’appareil photo.
J’en profite aussi pour vous remercier chaleureusement, vous qui continuez à nous lire et à nous soutenir. Vous, notre belle tribu de lecteurs et lectrices. Car lire le journal, c’est aussi s’informer des enjeux qui nous unissent. Et j’en profite enfin pour tirer mon chapeau à ma tribu professionnelle. Cinq femmes prodigieuses qui ont saisi au vol mon bâton de relais, quand j’en ai eu besoin. Mille mercis à cette équipe passionnée.
En ce mois de mai, alors que nous nous préparons à entamer de nouvelles aventures ou à relever de nouveaux défis, prenons le temps de célébrer nos tribus, grandes et petites, proches ou éloignées. Car c’est probablement dans ces connexions authentiques que résident notre force communautaire et notre capacité de résilience.
Bonne lecture!