le Vendredi 22 septembre 2023
le Jeudi 31 août 2023 8:00 Éditoriaux

Premières fois

  Photo : Unsplash
Photo : Unsplash

L’été, c’est l’occasion des premières fois. Découverte de terres inconnues, exploration et expériences en tous genres, nouvelles habitudes de vie, ou, avec la rentrée, arrivée dans une nouvelle école, rencontre des nouveaux camarades de classe…

Les premières fois sont des moments forts dans une vie, elles façonnent de façon unique des souvenirs qui resteront gravés dans nos mémoires. Elles marquent le début de quelque chose d’inexploré, empreintes d’une certaine innocence et d’une grande curiosité.

La philosophie s’est penchée sur ces moments qui forgent notre expérience et notre compréhension du monde. Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir, notamment, soutiennent que nos premières expériences ont un impact profond sur notre développement futur (par exemple, la première fois que nous aimons, ou que nous faisons face à la mort, ce sont des expériences qui peuvent influencer nos valeurs et nos croyances). D’autres soutiennent que ce n’est pas tant la première fois en soi qui est importante, mais plutôt la manière dont nous y réagissons, comment nous y donnons du sens.

Bien que plusieurs premières fois aient rythmé mon été (Oh! Valdez! Oh! La vie urbaine!), j’aimerais porter la réflexion un peu plus loin. Pour la première fois – à ma connaissance – certains géants du Web ont commencé, le 1er août dernier, à bloquer l’accès des internautes à l’information produite au Canada.

Difficile de nier l’impact que les outils numériques ont eu sur notre vie. Recherche d’informations, communication avec nos proches, achats en ligne… Ces plateformes ont révolutionné la manière dont nous interagissons avec le monde.

Jamais je n’avais remis en cause l’accès à l’information fiable dans notre pays. Pour la première fois, j’ai pris conscience de la vulnérabilité de ce que j’ai toujours tenu pour acquis.

La philosophie nous encourage à comprendre et surtout, à prendre conscience de notre réaction face à nos premières fois. Mais comment « donner du sens » à cela, avais-je envie de crier à Sartre ou à De Beauvoir!

Car Meta (compagnie mère de Facebook et Instagram) n’a pas bloqué nos pages. Les journaux peuvent continuer de publier. Mais VOUS ne pouvez plus voir nos publications si vous vivez au Canada. Elle VOUS en bloque l’accès parce que le gouvernement a entériné un projet de loi qui obligera ces géants à verser une contribution financière pour l’utilisation des nouvelles sur leurs plateformes.

« Les réseaux sociaux nous ont offert un confort dans l’accès aux nouvelles au cours des 20 dernières années », affirme Mélanie Tremblay dans un éditorial de Francopresse. « Une aisance si grande que nous sommes devenus, bien malgré nous, quelque peu paresseux. »

C’est vrai. Nous avons pris l’habitude de recevoir l’information de façon passive. Mais, bien que ces compagnies soient privées et n’aient pas de vocation démocratique, c’est tout de même dérangeant de savoir qu’au Canada, on peut supprimer VOTRE accès à de l’information fiable. Au Canada, 83 % des internautes ont un compte Facebook. Et Google aurait menacé de faire de même dès le mois de décembre.

Nous sommes donc les victimes collatérales d’une guerre de pouvoir entre les gouvernements, les grands médias, et les géants du Web. Guerre dans laquelle, d’ailleurs, les radios ou journaux communautaires n’ont pas été impliqués!

Tout cela alimente mes réflexions : si l’information est coupée non pas à sa source, mais du fait de notre situation géographique, jusqu’où cela peut-il aller? N’est-ce pas un terrain fertile pour la désinformation? Comment savoir ce qui se passe « vraiment » quand l’information (qui existe) ne nous est plus accessible? Cette décision soulève des questions cruciales sur la censure et le contrôle de l’information dans l’ère numérique. Par des compagnies privées, qui plus est!

Est-ce donc réellement à nous de changer nos habitudes numériques? Devrions-nous nous tourner vers d’autres plateformes, sachant maintenant quelles en sont les failles? Ou ne serait-ce pas plutôt le moment de s’émanciper un peu?

Du côté de l’Aurore boréale, n’ayez crainte. Le journal existait avant Facebook, et nous continuerons de produire de l’information fiable. Sur auroreboreale.ca, les nouvelles restent accessibles, et gratuites. Le contenu éditorial du journal en ligne n’a jamais été payant. De plus, nos abonnements (papier ou numérique) permettent de confortablement recevoir les nouvelles, pour vous ou pour vos proches, de façon directe.

Il est temps de remettre en question la manière dont le pouvoir est exercé dans le monde numérique et de trouver des solutions pour protéger la liberté d’information qui est au cœur de notre société. Puisque les médias sociaux nous recrachent, pourquoi ne pas cracher un peu sur eux. Facebook ou pas, honnêtement, nous n’arrêterons ni de vous informer, ni de faire rayonner notre belle communauté!

Alors, si vous vous demandez comment réagir, ma réponse est simple : continuez de nous lire. Car au bout du compte, ce n’est pas pour Facebook que nous publions ce journal. C’est, et ce sera toujours, pour vous qui nous lisez.

Merci de votre soutien!