le Dimanche 8 décembre 2024
le Jeudi 9 février 2023 7:45 Éditoriaux

Quarante

  Photo : Archives AB
Photo : Archives AB

On dirait quelques fois qu’elle a des ailes
Ou comme une audace, l’insolente.

« Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage »… Si cet adage devait être symbolisé par une profession, je pense que ce serait archiviste!

Je vais vous avouer quelque chose : avant de travailler pour un journal, le mot « archive » était peu dans ma vie, et je ne le trouvais pas super sexy. Qui avait envie  — pensait mon moi de l’époque — de classer et trier de vieilles affaires?

En arrivant au journal, le mot a carrément commencé à engendrer de l’anxiété : nos systèmes informatiques sont-ils assez fiables pour ne pas perdre nos documents? Comment faire pour pouvoir répondre aux questions des équipes de recherches quand leurs études concernent des décennies, donc des centaines d’éditions à feuilleter (à la main)?

Et, un jour, une fée est apparue. Karly Léonard : la fée des archives. Elle m’a donné des ailes, me parlant d’archives avec des étoiles dans les yeux. Elle connaissait son domaine et n’en niait pas les risques associés. Il me fallait agir, et vite! Nous avons donc commencé ce projet, embarquant beaucoup d’autres avec nous dans l’aventure.

Quel travail, à la fois massif et minutieux, a été accompli au cours de ces dernières années. Étudier comment numériser un journal pour que l’image permette la recherche de texte, puis répertorier, classer, retrouver, protéger et enfin stocker tout cela en ligne sur un site fiable… Il en aura fallu, de l’amour!

Et pour nous assurer que ces trésors soient en sécurité aussi sous leur forme imprimée, une collection sera conservée dans les voûtes d’Archives Yukon. Notre Histoire francophone est désormais entre de bonnes mains, humaines comme virtuelles.

Voilà. Quarante ans. On en est là. Ces archives, c’est le cadeau que nous vous faisons pour notre anniversaire. Et oui, j’ai changé d’avis : c’est vraiment cool comme cadeau. Voir les photos de naissance de vos amis ou retracer les modes vestimentaires, capillaires  — et parfois politiques — c’est aussi distrayant que de demander à un robot d’intelligence artificielle de répondre à des questions amoureuses!

Un avis nouveau, une envie nouvelle
Elle en deviendrait fatigante,
Ça n’est rien de plus que l’an 40

Quarante ans c’est l’épanouissement, n’est-ce pas? Le moment où on est enfin un « ti peu » plus solide (mais pas tant), mais qu’on commence à s’en fiche un peu, finalement, car on commence sérieusement à vivre l’instant présent. Nos envies et nos besoins sont différents. C’est un moment où on peut à la fois être dans la catégorie des pas trop vieux, mais avec pas mal d’expérience. Quarante ans, c’est le point médian où l’âgisme ne nous atteint pas, un peu comme un Nirvana de l’âge! C’est vrai que c’est un peu insolent, comme âge!

Dans cette édition, nous vous offrons d’ailleurs une dichotomie évidente : un regard sur le passé, bien sûr, mais aussi un gros plan sur la relève francophone, celle d’aujourd’hui, qui gagne des médailles et des concours, ancrée dans l’instant présent. Avec peu de barrières langagières, que ce soit en sciences, sports ou voyages, nos jeunes brillent de mille feux! Le Yukon est un chef de file. C’est indéniable. Et la francophonie n’y échappe pas. Il semble  — même si ce n’est pas issu d’un calcul fiable — qu’au moins deux tiers des jeunes de la délégation du territoire aux Jeux d’Hiver de l’Arctique pouvaient s’exprimer en français!

Elle est un peu cabri, un peu gazelle
Et brûle d’amour, du cœur au ventre
Cette eau qui bouillonne, où la puise-t-elle?

Alors oui, le journal évolue, comme nos communautés francophones. Et si on couvre de plus en plus les enjeux autochtones, ou d’environnement et d’inclusion, c’est parce que la francophonie est forte, riche et diversifiée. Être francophone ne signifie plus exclusivement être activiste pour la francophonie. Avec le temps, on nombrilise un peu moins, et on traite en français de tout car notre langue est désormais partout, elle bouillonne en plein cœur du Yukon. Comme les rapides de Miles Canyon, qui ont donné défi, force et courage à d’autres, en d’autres temps.

Le saviez-vous : ce sont d’ailleurs ces rapides qui ont donné le nom à notre section en fin de journal. Cette section se nommait à l’origine « Les rapides du cheval blanc ». Il s’agit de petits messages, coucous en tous genres, anecdotes et félicitations. Une section pleine d’amour! Ça aurait pu s’appeler « Les petites vites », mais on s’entend, ça aurait quand même eu beaucoup moins de classe!

Tout ce que l’on sait, c’est qu’elle entre
Avec le sourire en l’an 40

Merci à vous qui lisez le journal en 2023. Merci à vous qui le lisiez depuis longtemps déjà, et à ceux et celles d’entre vous qui continueront à nous lire ou qui revisiteront nos anciennes éditions. Car au bout du compte, si aujourd’hui l’Aurore boréale a le sourire de l’an 40, c’est indéniablement grâce à vous. Bonne lecture!

Le poème cité est un extrait de l’An 40, une chanson de Jeanne Cherhal.