Le monde dans lequel nous vivons nous demande de plus en plus d’être flexible. Horaires flexibles, salles de classe flexibles, compétences flexibles… la liste est longue.
Pourtant, cette flexibilité est-elle toujours un signe de progrès?
La pandémie nous a encouragés à développer de nouveaux systèmes de communications, plus élastiques. S’ils ont eu l’avantage de nous garder connectés, ils ont aussi légitimé l’intégration de nos espaces professionnels au sein de nos foyers. Nous avons dû faire preuve d’indulgence et revoir nos standards.
Pourtant, si s’adapter était alors une obligation, maintenant que la crise se résorbe, notre société et son rythme continuent de placer les attentes à un niveau toujours plus élevé. Parce que le présentiel redevient possible, est-il essentiel de se déplacer pour chaque occasion? Si les restaurants ont pu rouvrir à pleine capacité, sont-ils en droit de fermer une fin de semaine sans créer de frustration? Si les compagnies aériennes ont rouvert leurs vols, est-il pour autant nécessaire de se déplacer à l’autre bout du pays pour une réunion d’une demi-journée?
« Chassez le naturel, il revient au galop », dit-on.
Et si on se posait une question clé : La Terre, elle, est-elle flexible?
Dans quelques jours (le 5 juin), ce sera la Journée mondiale de l’environnement. Selon le site worldenvironmentday.global/fr, nous utilisons actuellement l’équivalent de 1,6 Terre pour maintenir notre mode de vie actuel. Les écosystèmes ne peuvent pas répondre à nos demandes. La triple menace des changements climatiques, de la perte de la biodiversité et de la pollution inquiète de plus en plus.
Le site affirme notamment que la dégradation des écosystèmes affecte la santé de près de 3,2 milliards de personnes, soit 40 % de la population mondiale, et que la pollution atmosphérique entraîne près de sept millions de décès prématurés chaque année, soit un décès sur neuf.
Malgré cela, à peine la crise pandémique passée, on recommence à vouloir retourner au « comme avant ». On se congratule d’avoir été souples pendant deux ans, tout en se réjouissant de pouvoir visiter de nouveau trois pays en deux semaines. On retombe, collectivement, dans la logique du « toujours plus, toujours plus vite ».
Depuis des décennies, le monde s’est adapté aux envies et aux besoins grandissants des humains, de l’économie et de la société de consommation. Le plastique, matière ô combien flexible, est venu à la rescousse de nos emplois du temps surbookés. Pas le temps de se faire à dîner? Allez hop! une salade prélavée et emballée. Croûtons sous plastique et dose de sauce individuelle inclus!
« En 2018, on a estimé que le coût économique total de la pollution plastique des océans sur le tourisme, la pêche et l’aquaculture à travers le monde s’est élevé à entre 6 et 19 milliards de dollars US », indique le site Web de la Journée mondiale de l’environnement. Comme quoi, certains progrès ne sont qu’apparents. La note à payer est bien plus élevée que cette salade à 8 $ suremballée!
Désormais, puisque nous sommes devenus de plus en plus élastiques, il semblerait normal de ne jamais arrêter, d’étirer encore, de ne jamais faillir, de ne jamais fermer boutique et de manger sur le pouce.
Qu’il est beau, le signe « Fermé, car nous sommes au Festival de la bière », en pleine fin de semaine, sur une fenêtre de restaurant! Que j’aime le mode « indisponible » sur les applications de communication pour le télétravail!
Oui, nous sommes de plus en plus flexibles, alors utilisons cette nouvelle force pour accepter de donner aux autres un peu de lousse. Peut-on désormais accepter que certaines personnes fassent le choix de la décroissance, d’économiser leurs déplacements ou, tout simplement, de se prioriser? Si nous avons demandé à tous nos commerces de s’adapter à des règles sanitaires, à notre personnel enseignant de faire classe régulière même si la moitié des élèves était malade, à notre personnel de dévoiler leurs piles de vaisselle sale, ne peut-on pas, désormais, s’adapter à un monde nouveau : celui où la planète et sa protection seraient l’affaire de toutes et tous?
Un monde où on se questionnerait sur « Est-ce un réel besoin? », au lieu de simplement penser à revenir à nos anciennes habitudes.