Aujourd’hui, deux jours après la Journée mondiale de la liberté de la presse (3 mai), j’aimerais qu’on réfléchisse ensemble sur ce concept encore un peu flou : la liberté.
Basée sur la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui définit la liberté d’expression comme droit universel, cette journée du 3 mai sert surtout à rappeler que de nombreux pays bafouent la liberté d’expression : Internet coupé ou limité, pression extrême, menaces… Nous sommes chanceux, au Canada. J’en ressens beaucoup de gratitude.
Mais, bien qu’aucun média canadien (je l’espère) n’ait peur pour la vie de ses journalistes, cette liberté est-elle aussi complète qu’il y paraît?
Pendant la pandémie, j’ai fait le choix éditorial de ne pas parler de COVID dans l’Aurore boréale. Pourquoi? Parce que les informations que je recevais de toutes parts n’avaient qu’une seule source initiale : une volonté gouvernementale. J’estimais que le monde entier était trop dans le flou pour fournir une opinion éclairée. Certains pays, ou même certaines provinces, faisaient des choix politiques différents. En gros, personne ne savait trop de quoi il parlait, mais tout le monde affirmait.
Si je me suis permis d’exprimer mon opinion, c’était avec des pincettes. C’est avec discrétion que j’ai émis l’idée que toutes les personnes non vaccinées n’étaient pas forcément des extrémistes égocentriques. C’est en sourdine que j’ai déploré que le gouvernement yukonnais fasse pression sur son personnel en éducation.
Dans l’ère où les informations sont si nombreuses, diverses, accessibles (et au professionnalisme parfois douteux), comment se permettre d’émettre une opinion qui pourrait 1- déplaire à la majorité; 2- sortir des sentiers battus?
Certes, ici, nous sommes privilégié·e·s : beaucoup de droits sont acquis. Je n’ai pas eu peur pour ma vie en m’exprimant discrètement. Pourtant, beaucoup de choses que nous affilions à des droits fondamentaux ne sont que façade. Et la crainte d’exprimer son opinion en temps de pandémie n’est que la pointe d’un iceberg monumental.
Le droit d’avoir un espace sécuritaire pour afficher, explorer ou discuter de sa propre identité, à l’école : un droit « normal »? Et bien non, pas encore… L’Assemblée législative n’a adopté ce projet de loi que le mois dernier! Il n’est pas encore acquis. Bien sûr, les jeunes ont droit d’en faire la demande… mais on est loin de l’offre active!
Parlant d’offre active, puis-je déplorer que les présentations publiques du gouvernement mises en place pour les personnes affectées par les inondations ne soient offertes qu’en anglais? Que les documents et informations clés ne soient pas traduites (suis-je libre d’utiliser cet accord de proximité, délaissant le masculin qui l’emporte dans notre langue chérie, quand Antidote censure ma démarche?).
Demander, même si c’est pour notre sécurité, c’est s’avouer différent. C’est attirer l’attention, faire face à l’impatience de la majorité qui ne comprend pas où se situe cette liberté, fondamentale pour nous, mais insignifiante pour d’autres.
Bien qu’on souhaite vivre dans un pays libre, la liberté des minorités paraît souvent insignifiante. Avec une légère condescendance, on fait sentir que l’urgence n’est pas dans la traduction… ou que les fonds manquent pour un espace sécuritaire… ou que le mot d’ordre, c’est la vaccination. Ou que le masculin l’emporte sur le féminin…
Oui, nous vivons dans un monde privilégié. Mais pourtant, la liberté n’est pas un acquis. Et si ce thème s’est imposé cette semaine, c’est aussi parce qu’aujourd’hui (5 mai), c’est la Journée de la robe rouge, la Journée nationale de sensibilisation aux femmes, filles et personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones disparues et assassinées.
Ces personnes autochtones ont-elles le droit réel d’être en sécurité dans leurs communautés, où qu’elles vivent? « Le passé colonial du Canada a eu des répercussions durables et négatives sur les communautés autochtones. L’histoire du Canada, de même que le sexisme, le capacitisme, le racisme, l’homophobie et la transphobie, ainsi que les actions et l’inaction des gouvernements précédents, ont créé de la discrimination systémique et des iniquités qui doivent être corrigées pour que les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones soient en sécurité où qu’elles vivent », a affirmé Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones, l’an passé.
Et si c’était ça, la liberté : être en sécurité. Peu importe notre identité, notre genre, notre appartenance culturelle, notre langue, nos croyances religieuse ou politique.
Accrocher une robe rouge, aujourd’hui, c’est annoncer un soutien en faveur de la liberté des femmes, filles et personnes 2ELGBTQQIA+ autochtones. C’est signifier que toutes les libertés fondamentales ne sont pas encore acquises.
La liberté est un trésor à protéger et à faire grandir, au sein de nos communautés. Car être libre c’est bien, mais être libres ensemble, ce serait quand même mieux…