De toutes parts, les memes et les caricatures peignent l’actualité ainsi : deux ans que tout le monde attend de prendre des vacances « normales », et voilà que la Russie menace nos projets… Franchement!
Des êtres humains craignent pour leur vie. Des forces armées s’emparent d’une centrale nucléaire, rendant la planète au complet vulnérable. Et pourtant, aux quatre coins du pays, on rêve de mettre nos fesses dans l’eau chaude. Poutine serait-il le grand responsable du gâchis de crème solaire qui traîne désespérément dans les fonds de nos tiroirs?
C’est vrai qu’une guerre, c’est moins parlant qu’une pandémie. Ça affecte moins nos droits à nous. Et puis, l’Ukraine, la Russie, c’est loin, n’est-ce pas?
Pourtant, tandis que cette guerre éclatait, le deuxième volume du nouveau rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) était publié. À cette occasion, la climatologue ukrainienne Svitlana Krakovska a déclaré que « les changements climatiques induits par l’humain et la guerre en Ukraine ont les mêmes racines : les carburants fossiles, et notre dépendance à leur égard ».
Comment des analyses politiques, des études scientifiques et des rapports sur le climat peuvent-ils converger? Et quel est le lien entre nos envies de crème solaire et les carburants fossiles?
Remettons avant tout quelques faits en perspective.
La Russie est le deuxième plus gros exportateur de pétrole, après l’Arabie Saoudite. C’est aussi un producteur indispensable à l’Europe pour la production de gaz naturel.
Ce conflit, ce n’est pas qu’une question de frontières. Nous vivons dans un monde où l’être humain a tout interconnecté, où chaque ressource naturelle est capitalisée.
Lever des drapeaux et boycotter de la vodka sont-elles vraiment les seules cartes que nous puissions jouer à notre échelle? N’y a-t-il pas un vrai rôle individuel dans la multicrise mondiale face à laquelle nous sommes confrontés?
Les changements climatiques touchent déjà nos maisons, nos routes, nos lacs… et pourtant, nous continuons de nous entêter à vouloir « revenir à la normale ».
Sous prétexte que c’était « comme ça qu’on faisait avant », on se félicite de sortir d’une crise en célébrant le retour du présentiel.
Faire 150 km quotidiennement pour travailler devant un écran, ce n’est plus nécessaire! Le monde a changé : les technologies, les communications et les personnes se sont adaptées. Certes, le contact humain reste essentiel. Celles et ceux qui ont eu la chance d’être présents à des événements tels que l’Extravaganza qui rassemblait une foule de 150 personnes ont pu constater à quel point nous avons besoin d’être ensemble. Mais avons-nous vraiment besoin d’être ensemble tout le temps? Avons-nous réellement besoin de tout refaire comme avant?
Les voies de l’activisme sont nombreuses et à la portée de beaucoup d’entre nous. Souvent, il ne s’agit que de simples choix, de persévérance ou de détermination : réduire nos trajets ou les maximiser, acheter des produits fabriqués localement, se construire un petit potager – même si c’est sur un bord de fenêtre – et adopter quelques poules pour avoir des œufs frais au lieu d’en faire voyager.
Nous vivons dans un monde qui a cru bon de mettre sur les étagères des épiceries de la salade prélavée, emballée avec un petit kit (emballé lui aussi) de sachets individuels de sauce, de croûtons, de graines et de fromage. Comment en sommes-nous arrivés-là? Parce que ça se vend, bien sûr!
Nous avons tendance à penser que l’action citoyenne se résume à aller voter et à manifester un peu. Mais nous oublions souvent que notre plus grand pouvoir est celui de nos choix de consommation.
Le lien entre notre crème solaire et le climat, c’est là qu’il se situe. Si nous cessons d’utiliser notre voiture pour un oui et pour un non, de prendre l’avion comme nous le faisions « avant »; si nous renonçons à la salade « en kit » et mettons de côté nos écrans pour aller jardiner et nous remettre les mains dans la terre, non seulement nous gagnerons probablement une bonne dose de sérotonine, mais nous contribuerons aussi à détourner la pression qui se développe à l’horizon.
Oui, les crises se succèdent. Et oui, c’est triste de ne pas pouvoir faire des projets à long terme. Mais est-il encore possible de déjouer les grandes puissances qui se disputent les barils de pétrole par de simples actions individuelles?
Utilisons nos congés pour simplement relaxer, passer du temps en famille, jouer à des jeux de société et dévorer les livres que nous avons découverts au Salon du livre.
Je ne sais pas si la décroissance est la solution miracle, mais en tout cas c’est un moyen à la portée de tout le monde. Et puis, vu l’inflation, c’est une action qui au moins fera du bien au portefeuille. C’est déjà ça de gagné!