Dans les dernières semaines, j’ai usé de ma tribune éditoriale pour parler d’audace, du renversement des traditions et de l’importance du journalisme communautaire. Tous ces textes appelaient à l’action, d’une manière ou d’une autre. Pour mon dernier édito, je ne pouvais pas faire autrement.
Depuis que je suis ici, j’ai couvert plusieurs enjeux sociaux. Chaque fois, j’en ressors éblouie par le travail de petites équipes qui agissent à contre-courant avec très peu de personnel et des moyens financiers limités.
Je pense ici aux équipes de Blood Ties Four Directions, de Safe at Home, de la Banque alimentaire et du Conseil des femmes autochtones du Yukon. Je pense souvent à ce qui arriverait si le milieu communautaire jetait l’éponge, essoufflé. Et c’est d’ailleurs cette petite peur au ventre qui m’amène à vous parler de l’édition que vous tenez entre vos mains.
Dans celle-ci, j’ai aussi eu la chance de m’entretenir avec des jeunes à propos de l’écoanxiété ; des personnes de mon âge qui vivent avec ce stress depuis déjà plus d’une dizaine d’années. En échangeant avec elles, j’ai été surprise de constater que c’était dans l’action qu’elles parvenaient à amoindrir leur angoisse.
Ça m’a trotté dans la tête toute la semaine.
J’ai réalisé que depuis que je suis arrivée à Whitehorse, on a déclaré état d’urgence sur état d’urgence. La COVID-19, les inondations des lacs du Sud, les substances illicites. J’ajouterais l’état d’urgence sur le logement, aussi. Je crois que la communauté a posé des actions en ce qui concerne les deux premiers.
En fait, je le sais, car j’ai couvert vos élans de solidarité. Vos arcs-en-ciel dans les fenêtres, vos cartes-cadeaux pour soutenir les commerces locaux, vos spectacles virtuels. On a aussi une banque de photos de vous, les bras remplis de sacs de sable. L’impression du devoir accompli caché dans vos plis de sourire.
Cependant, je n’ai pas vu beaucoup d’action collective sur les opioïdes ni sur le logement. Est-ce qu’on est inconsciemment en train de dresser une hiérarchie des causes, une hiérarchie entre les gens qu’on souhaite aider?
Je pose cette hypothèse, mais je dois avouer que je ne sais pas trop ce qu’on pourrait faire. Des dons, c’est certain. Des formations sur l’usage de naloxone, l’antidote des substances toxiques. Mais ça va en prendre plus pour pallier notre sentiment d’impuissance collectif, non?
Un sommet sur la santé mentale a été annoncé en février : soyons à l’écoute. Ayons la même compassion pour les personnes qui perdent leur logement au Chilkoot Trail Inn qu’on en a eu pour les personnes à risque dans la région des lacs du Sud.
Bien sûr, il faudra être aussi exigeant.e.s envers les gouvernements en ce qui a trait aux surdoses qu’on l’est pour les décès liés à la COVID-19. Mais aussi envers nous! On porte nos masques, on se distancie, on ajuste nos horaires aux difficiles mesures sanitaires. On est prêt.e.s à faire des sacrifices et à agir pour le bien commun. On devrait en faire autant pour les autres crises, à la hauteur de nos moyens individuels.
Dans ces pages, vous verrez des gens qui ont tenté d’agir, tout simplement. Pour essayer de trouver des locaux pour une communauté LGBTQIA2S+ qui a besoin d’un espace sécurisant ou pour qu’une population vieillissante puisse recevoir davantage de soins de santé au territoire.
Dans ces pages, vous ferez la rencontre de gens qui posent des actions pour le bien de l’environnement. Vous y croiserez aussi les personnes qui ont lancé un groupe Facebook pour tenter de réunir des gens par la force des réseaux sociaux à une époque où les rencontres sont plus difficiles.
J’espère que ça vous insufflera l’inspiration et la force de résister au pessimisme ambiant.