le Dimanche 8 décembre 2024
le Mercredi 27 octobre 2021 18:47 Éditoriaux

Éditorial – Eau

Certains mots se présentent peu à nos oreilles, jusqu’au moment où, d’un seul coup, ils semblent être sur toutes les lèvres. « Désemparé » est l’un d’entre eux.

Photo : Pixabay

 

Saisi à la volée lors d’une conversation entre membres du personnel enseignant qui se questionnent sur leur sécurité d’emploi; arboré par des directions qui ne savent que répondre à leurs équipes face aux annonces gouvernementales en matière de vaccination; ce mot, « désemparé », résonne de toutes parts ces jours-ci.

De mon côté, c’est aussi le mot qui me vient en tête quand je pense à la force des éléments qui se sont déchaînés, ici, depuis le printemps dernier.

Je vis au lac Marsh, en plein cœur des inondations qui ont battu de tristes records, des sacs de sable comptés par milliers et des déplacements quotidiens des renforts de l’Armée dans ma rue. Alors, être désemparée, c’est un sentiment qui m’est familier, moi aussi, ces jours-ci.

Il y a quelques jours, en désespoir de cause, j’ai défié les méga sacs de sable pour faire une petite promenade le long de cette plage qui a souvent été le réceptacle de mes états d’âme. « Homme libre toujours tu chériras la mer », déclarait Baudelaire dans un poème des Fleurs du mal : « Tu te plais à plonger au sein de ton image; Tu l’embrasses des yeux et des bras, et ton cœur; se distrait quelquefois de sa propre rumeur; Au bruit de cette plainte indomptable et sauvage. » Oh! Que ce poème résonne sur cette plage déserte et dévastée!

En cherchant la définition de « désemparé » dans des dictionnaires, on se rend compte qu’il est lui aussi étymologiquement relié à l’eau ou, plus exactement, aux embarcations. Le désemparement est un terme utilisé pour décrire l’état d’une embarcation qui aurait subi des avaries telles qu’elle ne pourrait plus manœuvrer… En référence au fait que nous sommes toutes et tous les capitaines de nos navires, le mot, en effet, me semble de circonstances, ces temps-ci!

Car telle est la force de l’eau : indomptable.

Le doux son des vagues peut bercer ceux et celles au sommeil difficile. L’étendue et le mouvement des flots réjouissent les amateurs et amatrices de sports d’eau vive. L’eau des sources ou des bains chauds détend. Elle est symbole de vie, élément essentiel à notre métabolisme.

Mais ce même élément, avec force et détermination, peut aussi endommager les plus durs des rocs, ravager des rives, donner leurs formes à des montagnes en mille ans ou créer des environnements propices aux avaries de tous genres en moins d’une semaine…

À travers d’infimes gouttelettes, elle propage la peur de l’autre et l’anxiété des choix, jusqu’à des sommets (ou des creux) de vagues de plus en plus insurmontables.

Sous forme de larmes, elle exprime aussi les émotions. Peine, joie, nostalgie et compassion face aux aléas de la vie, mais aussi face aux départs de ceux et celles qui nous avons aimé.e.s, qui nous ont inspiré.e.s et dont l’absence nous pèse. « Les larmes font partie de la vie », a indiqué Jérôme Bélanger, lors de la touchante célébration de vie pour son père Jean-Marc, qui nous a quitté.e.s au printemps dernier.

Cette eau caméléon, du jour au lendemain, peut aussi se révéler poison. C’est la situation à laquelle fait face la ville d’Iqaluit en ce moment. En effet, dans la liste des informations qui ne font pas assez les nouvelles, saviez-vous que depuis plus de deux semaines l’eau du robinet de la capitale du Nunavut n’est plus potable en raison de traces d’essence (détectées initialement en raison de l’odeur)?

De plus en plus de gouttes font déborder nos vases…

Pourtant, ne jetons pas le bébé avec l’eau du bain! Il y a des choses positives et une fois de plus, regarder l’instant présent et saisir les moments de gratitude sont la clé contre le désemparement.

Pour apporter de l’eau à ce moulin, comme à notre habitude nous tentons cette semaine de vous faire part de quelques bonnes nouvelles. Nous vous présentons notamment la Semaine de l’immigration francophone et ses mille saveurs qui nous mettent déjà l’eau à la bouche.

Un autre article qui donne du baume au cœur, plein d’humanité : celui au sujet de M. Novak. Cet homme de 98 ans, résident du Centre de personnes âgées de Whitehorse, vient de recevoir la médaille de la Légion d’honneur pour sa contribution aux efforts de guerre, lors de la Seconde Guerre mondiale. Si à ses yeux sa contribution n’était qu’une goutte d’eau dans l’océan, le voilà reconnu au titre de héros.

Pour conclure, j’aimerais mentionner notre section des Coups d’œil, une des plus populaires du journal! Merci de nous envoyer vos photos, continuez de le faire, nous vous en sommes reconnaissant.e.s. Car quand nous avons le vague à l’âme, il y a une chose qui restera toujours claire comme de l’eau de roche : rien n’est plus précieux que de pouvoir partager les sourires de notre belle communauté.

Bonne lecture.

 


Écouter l’éditorial :