Aujourd’hui, j’ai l’honneur d’écrire cet éditorial, car je commence le remplacement temporaire de Thibaut Rondel. Thibaut a travaillé pendant 8 ans au journal. En tant que journaliste d’abord, puis directeur et rédacteur en chef du journal. Je lui tire mon chapeau! Bien qu’impliquée dans ma communauté, je n’avais pas saisi l’ampleur des enjeux reliés au journal. L’Aurore boréale est un journal communautaire, gratuit.
Les médias communautaires, par définition, se basent sur la communauté. Il est important de les encourager. Lire le journal, acheter de la publicité, s’abonner ou tout simplement envoyer une photo à publier; la liste des moyens de les soutenir est longue. Entre chaque journal, de nombreuses petites abeilles se mobilisent pour écrire, dessiner, corriger et monter le journal. D’autres s’affairent à le rendre rentable malgré sa gratuité. Le seul objectif : se mettre à l’œuvre pour VOUS transmettre de l’information.
Travailler dans le monde de l’information est nouveau pour moi. Un beau défi. Transmettre, c’est avant tout s’informer. Et s’informer, c’est parfois prendre un risque. C’est être vulnérable. S’informer, c’est vivre les émotions qui vont avec ce qu’on vient d’apprendre.
Certaines de ces émotions sont très positives : la nomination de Davida Wood au Collège du Yukon démontre la volonté de notre communauté à confier des postes clés à des femmes, membres des Premières Nations du Yukon qui plus est. La décision du gouvernement du Yukon de mener une étude visant à abolir les objets de plastique à usage unique est une autre de ces informations qui nous rendent heureux. Apprendre que les jeunes de notre communauté sont des leaders qui rayonnent, c’est de l’information qui nous rend fiers et confiants dans l’avenir, à la fois pour notre communauté, mais aussi pour notre langue, au Yukon, au Canada. Fierté, gratitude, confiance…
Mais d’un autre côté, s’informer, c’est aussi apprendre l’information qui fâche, qui oppresse, « qui ne surprend pas » lit-on parfois quand un internaute joue du sarcasme en partageant un lien sur les médias sociaux. Lorsqu’un gouvernement provincial démolit des piliers communautaires — non seulement un Commissariat aux services en français, mais aussi en petite enfance! Et par-dessus le marché, celui de l’environnement. Le tout couronné de l’abandon d’un projet d’université francophone! Frustration, colère, découragement… Voilà autant d’émotions qui accompagnent l’information.
Je suis choquée, mon pays d’adoption tombe de son piédestal. Ce que nous pensons acquis reste parfois précaire. Inquiétude. Est-il donc possible que ce système ne soit pas parfait…
Perfection. En cette phase de transition au journal [tout est nouveau dans les murs de l’Aurore boréale, de la maquette au personnel], l’idéal de perfection est présent dans les esprits. Vouloir être parfait ou parfaite, avoir un beau journal, esthétique, lu et rentable dans un contexte de changements de plateformes d’information… Les idéaux ne manquent pas. Même au-delà des pages du journal bien évidemment. La recherche de perfection hante l’esprit de tout un chacun : l’équilibre parfait, l’emploi parfait, la voiture parfaite… À l’heure actuelle, où je débute cette merveilleuse (mais audacieuse) aventure de jouer les chefs d’orchestre d’un journal communautaire âgé de plus de 30 ans, mon idéal, ce n’est pas d’être parfaite; c’est de faire de mon mieux.
Je peux vous (me) promettre que je ferai de mon mieux à la barre du journal, afin de maintenir le cap. Dans mon esprit optimiste, faire son mieux, remplir ses responsabilités au mieux de ses capacités, c’est ce que tout le monde vise. Mais aujourd’hui, mon cœur est gros, compatissant et inquiet quand je pense à nos amis de l’Ontario dont le gouvernement, lui, ne semble pas avoir adopté cette valeur…