le Mardi 14 janvier 2025
le Jeudi 11 octobre 2018 9:51 Éditoriaux

Une annonce en demi-teinte

Photo : Pixabay
Photo : Pixabay

La ministre du Tourisme, des Langues officielles et de la Francophonie, Mélanie Joly, a annoncé la semaine dernière les premiers détails du plan d’aide aux médias communautaires de langue officielle en milieu minoritaire.

Au cours des cinq prochaines années, les journaux et radios minoritaires du Canada recevront un total de 4,5 millions de dollars pour financer l’accueil de stagiaires dans les domaines du journalisme, du marketing ou encore de la communication. Sur cette même période, 10 millions de dollars iront également au Fonds des médias en milieux minoritaires.

Bien que cette nouvelle ait été accueillie plutôt favorablement par de nombreux médias au pays, les mesures annoncées par le gouvernement fédéral ne répondent qu’en partie aux préoccupations réelles du secteur.

Ce que les médias recherchent actuellement est en effet une forme de stabilité qui leur permette d’aborder leur transition numérique avec une certaine visibilité. Or, bien qu’un programme de stage puisse profiter aux radios et journaux communautaires comme l’Aurore boréale, les critères limitants qui y sont attachés pénalisent de façon significative les bénéficiaires du fonds.

Déjà très rares dans l’Ouest et le Nord, les candidats potentiels doivent notamment être citoyens canadiens ou résidents permanents, avoir moins de 30 ans et avoir décroché leur diplôme dans le domaine visé depuis moins de deux ans. D’entrée, la mesure prive nos médias de l’expérience de nombreux journalistes francophones motivés par l’aventure canadienne. Que leurs CV témoignent d’une longue carrière passée dans les rédactions de grands médias nationaux français, suisses ou marocains ne constitue donc pas un atout pour Patrimoine canadien.

Par ailleurs, le stagiaire ne peut rester plus de douze mois en poste. En d’autres termes, un jeune journaliste travaillant à l’Aurore boréale devra quitter au moment même où il commence à révéler son bon potentiel, c’est-à-dire une fois les grands dossiers maîtrisés, son réseau créé et sa connaissance de la communauté affinée. D’ici l’automne prochain, il est en effet peu probable que l’Aurore boréale trouve les moyens de procéder à l’embauche à temps plein d’un journaliste, même débutant.

Bien que le programme de stages soit financé sur cinq ans, rien ne garantit non plus que l’Aurore boréale puisse accueillir un nouveau stagiaire l’année suivante. Près de 60 % du financement total a en effet été dépensé en cette seule première année. Alors que 2,5 M$ ont été investis à l’année 1, les médias minoritaires devront ainsi batailler pendant les quatre années suivantes pour se partager un reliquat total de 2 M$. Les critères de sélection qui s’ajouteront à ceux qui sont en vigueur ne sont pas encore connus, mais la vigilance sera donc de mise. Un suivi sera d’autant plus nécessaire que ce financement à l’origine présenté comme destiné à soutenir les journaux et les radios en situation linguistique minoritaire vise finalement aussi à renforcer les ressources humaines des organismes porte-parole des médias minoritaires.

Espérons que les 10 millions de dollars du Fonds des médias en milieux minoritaires ne seront pas eux aussi attachés à des projets inadaptés dont les médias ne pourront pas exploiter le plein potentiel, faute d’un socle solide. Les besoins ont pourtant été exprimés à de multiples reprises. La chute des revenus publicitaires dans les médias minoritaires, dont le gouvernement fédéral est en grande partie responsable, doit être compensée par un soutien financier sans attache. En somme, de quoi payer l’imprimeur et le chauffage en hiver.