le Lundi 16 septembre 2024
le Jeudi 14 Décembre 2017 16:42 Éditoriaux

Un service minimum

Photo : Pixabay
Photo : Pixabay

Les fonctionnaires et les médias étaient venus plus nombreux qu’à l’accoutumée assister à la conférence de presse convoquée lundi matin par le gouvernement du Yukon. Au programme : la révélation des premières grandes lignes directrices du plan territorial sur le cannabis, dont la légalisation prendra effet à travers tout le pays dès le 1er juillet prochain.

Bien que la question de la légalisation du cannabis figure au panthéon des grands thèmes de société depuis des lustres, la curiosité pour cette annonce naturellement historique fut bien rapidement tempérée par la révélation d’un plan d’attaque plutôt convenu (voir page 2).

Considérant le délai d’implantation de quinze mois imposé en avril dernier aux provinces et territoires par le gouvernement Trudeau, cette volonté de temporiser relève cependant d’une attitude responsable.

Dans l’optique de se doter à terme d’une législation pertinente et éclairée, le gouvernement du Yukon a visiblement souhaité jouer avec l’ultimatum fédéral de façon à trouver le point d’équilibre entre son devoir de rendre le cannabis accessible dès le 1er juillet et sa responsabilité de légiférer justement sur les aspects plus complexes d’un système privé de commerce et de distribution.

N’en déplaise aux Yukonnais qui pensaient pouvoir célébrer le jour du Canada en tirant en toute légalité leurs premières bouffées au parc Shipyards ou dans les décors bariolés d’un fumoir digne des plus envoûtants dispensaires d’Amsterdam.

Dans un premier temps, les fumeurs de cannabis devront donc rester à la maison pour profiter de leur herbe. Mais pour ce faire, mieux vaut toutefois qu’ils soient déjà propriétaires puisque la plupart des loueurs déjà réticents à autoriser la cigarette et les animaux de compagnie ne seront certainement pas disposés à faire une exception pour la consommation de cannabis. Au sein des copropriétés et autres immeubles locatifs, cette problématique devient d’autant plus pertinente du fait de la proximité des résidents.

Les ajustements inévitables sur lesquels le gouvernement va devoir travailler dans un délai raisonnable devront également tenir compte du souhait de la majorité des Yukonnais de voir le marché du cannabis se libéraliser.

Dans l’attente, le secteur privé doit envisager la période d’adaptation qui commencera dès l’été prochain comme une occasion d’évaluer l’intérêt et les habitudes de consommation du marché yukonnais en se basant sur de vrais indicateurs plutôt que sur des prévisions. Cela, même si l’on sait déjà l’appétence des Yukonnais pour le cannabis (21 % des Yukonnais affirment avoir consommé du cannabis dans la dernière année comparativement à 14 % des Canadiens).

Au fil du temps, l’usage récréatif du cannabis a donné naissance à une véritable sous-culture. Au-delà des considérations économiques, l’ouverture du marché au secteur privé pourrait donc aussi stimuler la créativité collective au point de métamorphoser progressivement le cannabis en un produit culturel canadien à l’image respectable.

Les bières estivales et les alcools raffinés de nos meilleurs brasseurs et distillateurs ont trouvé leur public, de même que les produits portant la signature des bons vignerons et des grands manufacturiers de cigares.

Dans le Canada de l’après 1er juillet, les producteurs de cannabis artisanal auront donc désormais eux aussi voix au chapitre.

Comme le malt, le tabac, la vigne ou le houblon, ce cannabis dont tout le monde parle n’est après tout qu’une simple plante. Une plante qui ne révélera son plein potentiel qu’entre les mains de nos plus talentueux jardiniers.