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le Jeudi 9 novembre 2017 12:24 Éditoriaux

Le Yukon est-il à l’abri de la menace qui pèse sur l’Alaska?

Le secrétaire parlementaire à la Défense nationale, le député Jean Rioux, en compagnie du colonel Simon Bernard. Photo : CMR St-Jean
Le secrétaire parlementaire à la Défense nationale, le député Jean Rioux, en compagnie du colonel Simon Bernard. Photo : CMR St-Jean

La menace croissante d’une attaque nucléaire de la Corée du Nord a mené Washington, l’été dernier, à vérifier l’état de ses 40 intercepteurs de missiles balistiques en Alaska. Des pressions ont ensuite été faites pour en ajouter davantage, soulevant en septembre des craintes au Comité de la défense nationale des Communes, reprises en octobre au Yukon dans un éditorial de L’Aurore boréale.

« À bien considérer l’effervescence en cours chez notre plus proche voisin, nous autres Yukonnais, agréablement lotis au cœur de notre silencieuse taïga canadienne, aurions peut-être tort de nous croire ainsi à mille lieues des conséquences d’une passe d’armes américano-coréenne. »

Le texte de Thibaut Rondel rappelle que l’Alaska, la pierre angulaire du système de défense contre la Corée du Nord, serait à portée de ses missiles nucléaires.

Les Yukonnais sont-ils inquiets?

Quand la question a été posée à la Commission scolaire francophone du Yukon, le 27 octobre, l’École Émilie-Tremblay venait d’être évacuée pour deux jours en raison de pannes et de fortes odeurs de propane. La semaine précédente, les écoliers, ainsi que des milliers d’autres résidents de Whitehorse, avaient participé à un exercice de simulation d’un tremblement de terre.

Un protocole pour les urgences

« Nous avons un protocole d’urgence en place dans le cas où l’école devrait être évacuée pour diverses raisons, affirme l’agente de communication, Maud Caron. Nous n’avons par contre aucun protocole spécifique pour une attaque nucléaire; cette menace envers l’Alaska n’est pas contrôlable pour nous. »

N’étant pas habilitée à commenter les inquiétudes au sein du milieu scolaire, elle rappelle toutefois que la sécurité des élèves est la priorité de la commission scolaire.

À Ottawa, le secrétaire parlementaire à la Défense nationale se fait rassurant, affirmant d’emblée que la sécurité des Canadiens demeure la priorité d’Ottawa. « Présentement, on n’anticipe pas de menace, souligne Jean Rioux, on est perçu par la Corée du Nord comme un pays amical. Les Coréens présentent le nucléaire comme un moyen de défense. »

Le Comité des Communes a tenu une rencontre spéciale sur le sujet en septembre et réaffirmé l’intention de poursuivre une résolution pacifique. Le député de Saint-Jean (Québec) reconnaît toutefois que les missiles coréens ont la capacité de frapper le sol américain. La situation serait suivie de près, conjointement avec le Pentagone.

La capacité de frapper l’Amérique

« Dans la politique canadienne, on prévoit la modernisation du système d’alerte avec NORAD (Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord). C’est notre rôle de détecter les menaces dans le Nord. Nous travaillons présentement avec trois entreprises pour renouveler notre équipement. »

Au plan technique, la Corée du Nord ne représente pas actuellement de menace, soutient le professeur de science politique Christian Leuprecht, du Collège militaire royal du Canada, à Kingston. « Les Coréens peuvent lancer le missile, mais pour cibler un endroit, il faut une entrée contrôlée dans l’atmosphère. Il n’y a pas d’évidence de cette capacité. »

Le politicologue précise que le pays ne possède pas la technologie nécessaire pour miniaturiser la charge nucléaire suffisamment pour l’attacher au missile ni pour la déclencher en vol.

« Ce n’est pas comme une bombe conventionnelle qui explose au contact. Il faut déclencher l’explosion à une certaine hauteur avant l’impact avec la cible. C’est très complexe. »

Une menace dans le cyberespace

Également professeur à l’Université Queen’s, Christian Leuprecht considère que les efforts nord- coréens sont « une sorte d’assurance vie ».

« C’est un programme d’essai, mais pas un programme d’attaque. Vu qu’ils n’ont pas beaucoup d’argent et ne construisent pas de missiles eux-mêmes, ils cherchent les armes les moins chères. Ça sert à entretenir une menace dans le cyberespace. C’est juste de la propagande. »

Le politicologue remarque toutefois que les Nord-Coréens avancent rapidement depuis quelques années. Ils recevraient l’aide de fabricants ukrainiens et chinois qui travaillent en marge des régimes politiques et qui ne peuvent pas tester leurs produits légalement chez eux.

« Ils n’ont plus leur marché principal et cherchent sur le marché noir, conclut-il, ils sous-traitent les essais nucléaires. »

Le 2 novembre, les Américains ont tenu des exercices aériens près de la péninsule coréenne, avec le concours du Japon et de la Corée du Sud.