Les journaux communautaires sont des médias à part entière et n’ont pas vocation à devenir le porte-parole ou la courroie de transmission des organismes francophones en situation minoritaire. Cette affirmation sonne comme un truisme. Pourtant plusieurs journaux subissent encore aujourd’hui des tentatives d’ingérence de la part de certains organismes communautaires francophones.
Cette réalité a poussé l’Association de la presse francophone (APF) à publier il y a quelques jours une Charte de la presse écrite de langue française en situation minoritaire. Selon l’APF, ce document vise notamment à rappeler leurs responsabilités aux journaux membres (comme l’Aurore boréale) et à sensibiliser les populations francophones et acadiennes quant au rôle que ces journaux doivent jouer au sein de leurs communautés respectives.
Dans un rapport d’étude sur la gouvernance communautaire des organismes francophones de Terre-Neuve-et-Labrador, le journal Le Gaboteur avait par exemple été identifié par le FFTNL comme un simple outil pédagogique. Il avait également été accusé de ne pas suffisamment relayer la parole des organismes communautaires et de diviser la communauté.
La nécessité de distinguer la mission d’information des médias d’une mission de promotion des organismes trouve également son écho en Alberta où le journal Le Franco éprouve notamment des difficultés à faire valoir son indépendance éditoriale auprès de l’Association canadienne-française de l’Alberta (ACFA) qui en est le propriétaire.
Presse-Ouest, l’éditeur du journal La Liberté, affirme également que des pressions et des tentatives d’ingérence ont été commises par la Société de la francophonie manitobaine (SFM), propriétaire de Presse-Ouest.
Au Yukon, l’Association franco- yukonnaise (AFY) est l’éditeur de l’Aurore boréale. Le journal est placé sous l’administration financière de l’AFY et le conseil d’administration de l’association a donc pour mandat d’en surveiller la gestion. Les employés de l’Aurore boréale sont recrutés et rémunérés par l’association tandis que la direction du journal est placée sous la supervision de la direction générale de l’AFY.
On voit donc que la petite taille de nos communautés implique souvent l’existence de liens étroits unissant les journaux communautaires aux organismes francophones. Ces relations incestueuses ne doivent toutefois pas empêcher les journaux de langue française en situation minoritaire de demeurer le reflet fidèle de ce qui se passe dans les communautés, que ce soit positif ou négatif, affirme le président de l’APF, Francis Sonier. Cela bien que la dénomination même de journal communautaire puisse faire croire que ces derniers devraient naturellement servir les intérêts de ces organismes.
Autrefois, bulletin de nouvelles mensuel de l’AFY (Le Franco- Yukonnais, 1983), l’Aurore boréale a depuis ce temps su faire reconnaître son indépendance éditoriale. Celle-ci perdurera aussi longtemps que le mandat et la mission du journal seront compris et respectés non seulement par l’Association franco-yukonnaise, mais aussi par les autres organismes composant le tissu communautaire francophone du Yukon.
L’indépendance éditoriale de l’Aurore boréale n’est toutefois pas qu’une affaire externe. L’éthique et l’équilibre doivent également être respectés et maintenus au sein même du journal. Contrairement aux grands titres de presse où la direction et l’éditeur ne pénètrent jamais dans la salle de rédaction, la direction et la rédaction en chef de l’Aurore boréale sont l’affaire d’une seule et même personne. Un grand écart imposé aux conséquences toutefois mitigées par un appel à des correspondants locaux invités à proposer librement des sujets.