Alors que le continent américain fait ces jours-ci la dramatique expérience des conséquences du réchauffement climatique, le premier ministre Trudeau a profité de sa première visite officielle au Yukon pour remémorer au pays l’incohérence de la politique environnementale libérale.
En dédiant 360 millions de dollars à la construction de routes minières, le premier ministre a confié un véritable blanc-seing à l’industrie. De fait, le chèque a été signé sans qu’aucun processus d’évaluation environnementale et socioéconomique ait encore été mené pour détailler la nature des futurs projets miniers. En d’autres termes, il n’existe actuellement aucune garantie en matière de protection de l’environnement qui permette de préserver le territoire des dérives des compagnies minières.
À faire passer la charrue avant les boeufs, la grande question qui se pose désormais se formulerait ainsi : le gouvernement saura-t-il préserver sa capacité à s’opposer à des projets miniers comportant des zones d’ombre après y avoir investi plusieurs centaines de millions de dollars? On peut en douter.
Lors d’une conférence de l’industrie pétrolière organisée au printemps dernier à Houston, le premier ministre Trudeau avait reçu une ovation du public après avoir affirmé qu’aucun pays ne trouverait 173 milliards de barils de pétrole pour les laisser enfouis dans le sol.
Justin Trudeau faisait alors référence à la manne pétrolière issue des sables bitumineux de l’Alberta. Le projet est considéré par les experts et les groupes environnementaux comme l’un des plus grands désastres climatiques sur la planète. Cependant, cette considération n’a jamais semblé bouleverser le premier ministre canadien.
Du point de vue libéral, le Yukon n’est malheureusement pas si différent de l’Alberta. Aux yeux d’Ottawa, le territoire s’apparente à une colonie de peuplement assise sur un tas de richesses minérales qu’il serait sot de ne pas extraire au plus vite.
Cela dit, brader le territoire aux compagnies minières est une chose. Faire croire que l’investissement profite au développement et au bien-être de la population yukonnaise en est une autre.
Certains travaux de construction vont bien entendu être confiés à des entreprises locales et les Premières Nations yukonnaises pourront profiter d’une partie des retombées économiques de ces projets miniers. Des créations d’emplois vont aussi accompagner le développement des activités minières, mais quelle part des profits s’évaderont en Chine, à Toronto ou à Vancouver?
Par ailleurs, le gouvernement ne peut pas décemment avancer l’argument du bien-être de la population yukonnaise et de son développement à long terme en promettant une poignée d’emplois précaires et la réfection de quelques routes qui ne mènent nulle part.
L’histoire du Yukon nous a montré à maintes reprises que ce sont bel et bien les prix des métaux qui décident de l’activité soutenue des mines ou de leur abandon prompt et bâclé. Ces fluctuations privent ainsi l’industrie minière du rôle de garant de la stabilité économique du territoire et de son développement responsable à long terme.
Les retombées économiques de nos futurs projets miniers seront fortement limitées. Les dégâts pour la nature, eux, risquent de bouleverser plus profondément le territoire. Alors que le XXe siècle a été marqué par le génocide culturel des Premières Nations du Canada, c’est de l’écocide des terres autochtones dont il est aujourd’hui question. Si la saga de la rivière Peel a précipité la chute du gouvernement Pasloski, le plus dur reste encore à venir. Avec la bénédiction des dirigeants libéraux, le territoire a été livré en pâture aux mâchoires de l’industrie.