le Vendredi 22 septembre 2023
le Vendredi 13 janvier 2017 14:50 Éditoriaux

Quand le Yukon revendique sa diversité

Une vidéo tournée au beau milieu de la salle du conseil municipal de Whitehorse montrait il y a quelques jours le danseur yukonnais Gurdeep Pandher initiant le maire Curtis au port du turban sikh. La séquence a pris fin sur un cours express de danse bhangra que le premier élu a semblé adorer. Cet échange culturel d’une simplicité sincère aura en quelques jours été visionné plus d’un million de fois sur Facebook. Il aura généré 20 000 J’aime, 23 000 partages et 900 commentaires élogieux. On ne pouvait pas mieux commencer notre année yukonnaise que sur cette note de tolérance et de bonne humeur. Pour tout dire, on est pas peu fier que la scène ait été filmée à Whitehorse.

Il est vrai que la plupart de nos élus ne nous ont jamais vraiment habitués à cette spontanéité et à l’ouverture d’esprit dont a fait preuve le maire Curtis. Les politiciens sont en général bien trop soucieux de leur image pour se laisser charmer par les coutumes spirituelles et religieuses du tout-venant. Cela risquerait d’agacer les esprits étriqués. La retenue prime donc souvent sur la saine curiosité et l’exploration de ces traditions culturelles d’une belle diversité.

Les politiciens yukonnais ne sont certes pas les plus guindés du paysage politique canadien, mais la petite taille de notre communauté participe certainement aussi à entretenir cette plaisante désinvolture. Notre jeune territoire s’est en effet construit sur des valeurs comme la tolérance et l’accueil. Le multiculturalisme s’en trouve être le fondement et c’est d’ailleurs pourquoi près d’une cinquantaine de nationalités se côtoient quotidiennement à la grandeur de notre petit territoire. La plupart de ses habitants plébiscitent et encouragent cette diversité venue peupler cette région cosmopolite sombre et glaciale et cela sonne juste.

Les Yukonnais n’ont d’ailleurs pas manqué de condamner la création du chapitre yukonnais du groupe Soldiers of Odin. Ce groupe de patrouille a été fondé en 2015 en Finlande en réponse à une vague d’immigration syrienne qu’il considère comme une menace pour la sécurité publique. C’est à se demander si notre groupement local considère réellement protéger nos familles yukonnaises du couple Aarafat et de leurs neuf enfants lorsqu’ils sortiront glisser sur la butte du parc Shipyards. Face au tollé, les principaux intéressés se sont finalement contentés d’expliquer que leur chapitre ne visait qu’à aider les Canadiens, sans toutefois fournir la moindre explication sur son affiliation officielle à un mouvement proche de l’extrême- droite ouvertement opposé aux immigrants musulmans.

L’indignation des Yukonnais tout comme leur résistance à la haine est fort louable. Il ne reste qu’à espérer que cette tolérance durera aussi longtemps que le pays et le territoire accueilleront à bras ouverts les citoyens du monde. On vient d’ailleurs d’apprendre que la communauté musulmane de Whitehorse levait des fonds pour construire la toute première mosquée yukonnaise. Le Yukon, qui possède de nombreux lieux de culte chrétien, n’héberge en effet ni mosquée ni synagogue. Mais l’idée d’un développement de l’Islam au Yukon ne fait cependant pas l’unanimité et des voix s’élèvent déjà contre ce projet. Un excellent test d’humanisme en perspective.