le Lundi 10 février 2025
le Mardi 20 Décembre 2016 14:50 Éditoriaux

De l’importance d’une vision globale

La formule sonne désormais comme une mauvaise rengaine : le fléau terroriste a frappé l’Occident. Lundi à Berlin, un homme a lancé son camion sur un marché de Noël. Bilan : douze morts et une cinquantaine de blessés. Un peu plus tôt dans la journée, c’est l’ambassadeur de Russie en Turquie qui a été assassiné par un jeune policier turc alors qu’il inaugurait une exposition d’art à Ankara.

Ces deux attentats commis le même jour viennent rappeler à l’Occident que la violence transcende encore aisément les frontières présumées les plus sûres. Il serait alors illusoire de croire que cette spirale infernale peut être soudainement vaincue par la seule indignation des lendemains d’horreur. La sensation d’écœurement est naturelle et les « plus jamais ça » des grands rassemblements, certes sont légitimes, mais demeurent utopiques.

Rien de tel que de prendre la pleine mesure d’une frise chronologique pour admettre que ces milliers d’années de massacres, de luttes armées et de guerres de religion ayant opposé l’Humanité ont en effet généré un potentiel de rancœur encore loin d’être épuisé. Les guerres totales comme les sales coups perpétrés par des « loups solitaires » constitueront donc malheureusement toujours une réelle menace pour nos pays.

Nos sociétés aseptisées semblent cependant s’être laissé séduire par le mirage de la sécurité absolue. Cette croyance fut assurément ébranlée en 2001, mais notre jeune modernité nous persuade visiblement toujours que les bombes et les corps déchiquetés restent une exclusivité des pays du tiers-monde. Jusqu’à ce que l’odeur de la poudre flotte au vent et que les estomacs crient famine, l’Occident se pense à tort invulnérable et éternel.

Ces affaires-là, pense-t-on, doivent survenir dans les caillasses du Yémen et les sables de Libye, sur les plateaux nigérians, dans les déserts syriens et les cités irakiennes. Mais pas dans nos fiefs de tradition chrétienne; pas dans les couloirs du Parlement canadien, sur nos marchés de Noël ou en terrasse d’un petit café parisien. À force de s’en convaincre, on finit par se sentir lésé par la violence de la mort qui ose venir frapper à nos portes, sans s’avouer qu’elle sème depuis déjà longtemps son cortège de souffrances quotidiennes sur une bonne partie du monde.

Chacun a le droit à la paix et à la sécurité et cela ne signifie pas qu’il faille se résigner ou plier sous les coups. Quoiqu’en disent nos dirigeants, il semble néanmoins essentiel d’accepter cette part de risque — puisque le risque zéro n’est pas un objectif réaliste — et de reconnaître que nos frontières les plus solides n’ont jamais été et ne seront jamais totalement imperméables aux aléas du monde. L’État d’Israël témoigne depuis longtemps de cette vérité. Le pays se présente comme un bastion sécuritaire de référence, mais ses ressortissants sont pourtant régulièrement victimes de nombreux attentats.

La façon dont les médias diffusent l’information a participé à créer cette posture populaire finalement si proche de la politique de l’autruche, et ceux-ci portent une grande part de responsabilité dans la situation actuelle. Comme les vainqueurs écrivent l’Histoire, les médias dominants continuent aujourd’hui de hiérarchiser leurs actualités selon cette scandaleuse loi de proximité qui veut que la vie d’un Blanc vaille plus que celle de cent Africains. La couverture médiatique du massacre de Garissa, au Kenya, en 2015, fait force d’exemple.

Vous êtes en panne de bonnes résolutions pour l’année 2017? Souvenons-nous de notre vulnérabilité et faisons preuve de bon sens pour s’informer avec discernement. N’oublions pas non plus d’user du temps des fêtes pour se féliciter de vivre dans un pays prospère où nos enfants grandissent en paix et vont à l’école chaudement vêtus et bien nourris.