La Cour suprême du Canada s’est finalement saisie du dossier de la Peel. En d’autres termes, c’est à la plus haute Cour de justice du pays qu’il reviendra désormais de décider de l’avenir de cet écosystème yukonnais grand comme l’Irlande. Avec toutes les conséquences environnementales et économiques que cela induira pour notre petit territoire, le tribunal d’Ottawa devra se prononcer sur la légitimité du processus qu’a adopté le gouvernement du Yukon pour faire fondre le taux de protection recommandé du bassin de la Peel de plus de 50 %.
À ce point-ci de l’affaire, on peine à imaginer comment le Parti du Yukon de Darrell Pasloski pourrait sortir vainqueur de cet ultime procès. Au cœur de l’audience, le droit du gouvernement à passer outre les recommandations émises à l’issue de sept ans de travail par une commission d’experts précisément mandatés pour cette mission d’aménagement du territoire. Sept ans de travail acharné pour déterminer la meilleure formule de conservation d’un unique et fragile équilibre écologique. Sept ans d’études réfléchies pour satisfaire au mieux les intérêts divergents des industries minières, des groupes environnementaux et des Premières nations.
En dépit de cette expertise, la bureaucratie Pasloski a allègrement sauté d’un taux recommandé de 80 % de protection à un 29 % bien plus seyant aux gens des mines avec lesquels notre premier ministre ne cache plus ses accointances rémunératrices. Sept ans d’études finalement balayées sans aucune considération par le mirage du profit facile.
Le manque de respect établi, le gouvernement a ensuite jugé bon de soumettre le succédané de son plan d’aménagement à un processus de consultation fantoche. Lorsqu’on sait la propension générale de nos décideurs yukonnais à entendre plus qu’à écouter, le mot n’est pas mal choisi. Les Premières nations du Yukon pourront vous en parler longuement, elles qui, harassées par plusieurs années d’interminables procès les opposant au gouvernement Pasloski, doivent encore lutter bec et ongles pour faire valoir leurs revendications territoriales.
Le verdict de la Cour suprême sera bien loin d’être chose acquise pour le gouvernement. Mais à l’aulne du calendrier judiciaire et des éléments à charge, on voit mal comment le Parti du Yukon pourrait également remporter les élections d’automne. L’opposition ne s’y trompe pas. Quand les libéraux ou les néo-démocrates abordent la question de l’environnement, c’est bien de la Peel dont il est question; et de rappeler le pouvoir à ses manquements. En environnement comme en économie ou en santé, les critiques continueront donc de pleuvoir jusqu’à l’automne, mais la salve ne restera pas l’apanage des partis traditionnels. La chef des Premières nations du Yukon l’a prédit avant de quitter son poste. La grogne monte chez les citoyens autochtones et cela se traduira dans les urnes, a promis Ruth Massie.