« C’est pas moi, m’sieur, j’ai rien fait! » Ainsi pourrait se résumer la ligne de défense des personnalités citées dans le scandale financier des Panama Papers. Un écolier de 8 ans n’aurait pas mieux fait.
Le premier ministre islandais se trouve accusé d’évasion fiscale aux Îles Vierges? Qu’à cela ne tienne. Face à la presse, M. Gunnlaugsson affirme qu’il ne sait pas « comment fonctionnent ces choses ». Visiblement mal à l’aise, l’homme se lève et quitte la pièce. Il a démissionné hier. Fidèle à lui-même, le Kremlin de Vladimir Poutine dénonce pour sa part un complot de la CIA. Dans la péninsule arabique, ce sont les médias qui ont choisi de passer sous silence les montages financiers de leurs têtes couronnées. En ce qui la concerne, la Chine ne s’est pas embarrassée d’une quelconque justification et a comme à son habitude censuré le Web. Du côté des grands patrons et des célébrités, on nage plutôt dans le pathos. On invoque son intégrité à toute épreuve et l’on crie à la diffamation. Au cœur du scandale, le cabinet panaméen Mossack Fonseca prie lui aussi le monde de croire en la légalité de ses opérations. Difficile de retenir une larme devant ce déferlement d’éthique.
Domicilier une société dans un paradis fiscal n’est certes pas une activité illégale en soi, mais ouvrons les yeux. Personne ne se lance dans de tels montages pour le plaisir d’ouvrir un compte aux Caraïbes. Quand bien même les fonds seraient déclarés et proprement taxés, on ne peut ignorer l’usage qui sera fait de ces avoirs ainsi placés.
Dans la grande lessiveuse panaméenne se mélangent en effet les couleurs de la cupidité. Chez Mossack Fonseca et consorts, les fortunes des grands patrons et des vedettes du ballon rond se mêlent aux recettes du crime, de la corruption politique et de la fraude fiscale. Argent propre, argent gris et argent noir en ressortent blancs comme neige pour le profit des plus vénaux.
Les grandes banques ne sont pas en reste. HSBC, UBS et la Société générale n’ont visiblement rien appris des scandales financiers des dernières années. Sauf peut-être à faire preuve de plus de discrétion. Les Panama Papers révèlent ainsi toute la réalité des montages créés par ces institutions prônant à qui veut l’entendre la moralisation de la finance et le retour de l’éthique bancaire.
Un pan entier de la finance mondiale est donc tombé cette semaine, mais que l’on ne s’y trompe pas. Les Panama Papers ne sont certainement qu’une goutte d’eau dans le grand univers de l’évasion fiscale. Les grandes démocraties mèneront bien quelques enquêtes, mais il est légitime de se demander ce qu’il adviendra ensuite. Lorsque pris, les fraudeurs sont trop souvent amenés à faire amende honorable et à payer un dû majoré. Peu importe à la justice que les millions détournés aient été destinés à la santé des plus faibles ou à l’éducation des plus jeunes : la case prison est rarement une option. Pour la mère de famille qui ne parvient plus à porter le fardeau de l’austérité et cède à un vol alimentaire, c’est en revanche la garde à vue assurée.
Les scandales financiers des dernières années nous ont trop souvent montré que les élites vivaient à l’abri des poursuites. La passivité dont font preuve les États est en partie responsable de cette réalité. De là à la considérer comme un encouragement à la fraude fiscale et à la corruption, il n’y a qu’un pas. Dans la foulée de ces révélations, l’impunité dont bénéficient les acteurs de l’évasion fiscale doit ainsi prendre fin. Au risque de faire des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus pauvres. Un écart qui se creuse. Un équilibre qui se perd. Et un beau jour, tout s’effondre.