le Vendredi 22 septembre 2023
le Mercredi 13 août 2014 8:50 Éditoriaux

De l’importance des journaux

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Lors de la période estivale, j’ai participé au congrès de l’Association de la presse francophone (APF). Une belle occasion de rencontrer d’autres éditeurs de journaux de la francophonie canadienne. Cela m’a permis de me rendre compte d’une chose : qu’on soit dans les Maritimes, en Ontario, dans les Prairies, dans l’Ouest ou dans les territoires, nous vivons tous une situation similaire.

Je sais qu’on essaie d’éviter de parler de milieu minoritaire, je suis d’accord avec le principe qui veut qu’on ne puisse pas être minoritaire lorsque l’on parle une des deux langues officielles d’un pays. Il reste que nos journaux doivent se battre pour survivre dans un milieu où la population francophone est minoritaire. Quand on rencontre des clients du secteur privé, on doit donc se battre contre le facteur démographique : nos journaux atteignent moins de gens et les tarifs publicitaires sont les mêmes que du côté anglophone, car nous avons des tirages plus petits qui font en sorte qu’on ne peut profiter d’une économie d’échelle. Malgré tout, ce n’est pas de ce côté que l’on connaît les plus grandes difficultés…

Le principal problème vient du gouvernement canadien. Jusqu’à récemment, le gouvernement fédéral était le principal annonceur dans nos journaux communautaires. Mais voilà que les placements ont diminué de plus de 70 % en moins de cinq ans. Cela a un impact direct sur la rentabilité de nos journaux. Le gouvernement canadien se doit de donner un coup de main à nos petites structures. Je comprends que de plus en plus, les budgets publicitaires se déplacent vers le Web, c’est la même chose dans l’industrie. Mais je peine à comprendre que le gouvernement canadien ait augmenté ses placements publicitaires du côté de la télévision, alors que la tendance de l’industrie est à la baisse. C’est cette augmentation qui vient vraiment nuire aux journaux régionaux, bien plus que le placement en ligne.

De plus, j’estime que de juger notre secteur strictement selon les règles du marché a quelque chose de malsain. Nos journaux ne sont pas seulement un véhicule pour vendre de la publicité (du moins, je l’espère). Nos journaux sont une source d’information qui fait le lien avec nos communautés. Nos journaux sont au cœur de nos communautés, ce sont des lieux de rassemblement, des endroits où les francophones hors Québec (une autre expression qu’il faut éviter) peuvent se lire et se voir. Leur disparition marquerait un recul important dans l’expression du français au Canada, et je crois que le gouvernement doit en tenir compte.

On a beaucoup parlé, moi le premier, du danger qui guette Radio-Canada. Et avec raison! Radio-Canada, c’est plus qu’un symbole. Mais la disparition des journaux régionaux a quelque chose de plus insidieux. S’ils disparaissent, c’est la mémoire de nos communautés qui va s’éteindre. Car c’est dans nos pages qu’on peut lire l’histoire de la francophonie canadienne pendant qu’elle s’écrit. Non dans ses coups d’éclat (la télévision et les grands groupes de presse sont là pour ça), mais dans ses gestes du quotidien qui forgent notre identité. Pourtant, il n’y a pas de rassemblement populaire, pas de groupe de pression, pas de page Facebook des « Amis de la presse francophone ». Même les organismes de la francophonie canadienne ne voient pas l’importance du drame qui se joue… Et c’est dommage.

Parce qu’il faut des encouragements aussi

Le 11 juillet, les journaux de la francophonie canadienne ont célébré. Pour ce soir de gala, on a oublié la morosité ambiante et on s’est concentré sur ce que nous pouvons faire de mieux : des journaux de qualité qui parlent à nos lecteurs. Lors de cette soirée, on a reconnu les bons coups des membres de l’Association de la presse francophone par la remise de prix.

L’Aurore boréale a encore tiré son épingle du jeu en obtenant trois mentions, soit dans les catégories Meilleure initiative jeunesse, Meilleur article sur l’économie et Une de l’année. J’étais le seul représentant de l’équipe, mais je n’oublie pas le travail qui a été fait par nos pigistes, par nos collaborateurs et par les employés du journal (présents et passés, car ces prix mettaient en valeur les accomplissements de l’année 2013). Des efforts qui font en sorte qu’année après année, le journal réussit à attirer l’attention des membres du jury.

Je tiens aussi à féliciter L’Express d’Ottawa qui a gagné le prix d’excellence général pour le journal de l’année. Félicitations aussi aux autres journaux membres de l’Association qui réussissent à faire des petits miracles avec des équipes réduites à chaque parution.

Même si les temps sont durs, je suis plus persuadé que jamais de la pertinence de nos journaux.