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le Mercredi 25 juin 2014 9:56 Éditoriaux

Souvenirs de Coupe du monde

À moins que vous ne viviez sur une autre planète, vous ne pouvez ignorer que le Brésil accueille actuellement la Coupe du monde de soccer (ou de foot pour les Européens d’origine). Et comme j’ai déjà l’esprit aux vacances, je n’ai pas envie de vous parler du climat social au Brésil, des gens qui sortent dans les rues pour dire à leurs élus que ça n’a pas de bon sens de payer des centaines de millions pour un événement éphémère, alors qu’il y a tant de travail à faire sur place, dans les hôpitaux, dans les services. Je ne parlerai pas de cette preuve supplémentaire que les compétitions d’envergure (Coupe du monde, Jeux olympiques) ont pris des proportions (et surtout des coûts) démesurées. Non, je me sens léger. Plutôt que de partager mon indignation, je veux parler du sport.

En 1998, j’ai eu la chance de vivre la Coupe du monde en France. Je me souviens que les billets se vendaient à un prix raisonnable (autour de 50 $ du billet, soit moins cher qu’un match de saison régulière du Canadien). Par des amis français, j’avais eu des billets pour assister à quatre matchs préliminaires à Toulouse, à un match huitième de finale et au match de la finale consolation. Tous les matchs ont eu un cachet particulier, mais je me souviens de deux moments marquants.

Le 22 juin, l’Angleterre affrontait la Roumanie dans un match décisif pour savoir qui allait avoir la tête du groupe G. Dans le stade de Toulouse, il y avait au moins 10 000 Anglais. Pendant tout le match, ils sont restés debout et ont chanté des chansons. La plupart étaient vêtus de blanc. Plusieurs avaient le visage maquillé de blanc avec une croix rouge au milieu. De l’autre côté, à peine 500 Roumains. Pourtant, ils étaient aussi bruyants. L’ambiance était complètement folle. Et on a eu droit à un match d’anthologie. Après une première mi-temps sans but, le jeu s’est enflammé au retour des deux équipes. Dès la 47e minute de jeu, Moldovan a donné les devants à la Roumanie. Cela n’a pas fait taire les partisans de l’Angleterre qui se sont mis à chanter encore plus fort. Beckhams, qui n’était pas encore un Spice Boy, est entré en cours de jeu. Mais c’est un autre remplaçant, Michael Owen, un gamin de 18 ans, qui a joué les héros en marquant à la 79e minute grâce à sa vitesse explosive. Dommage que les blessures aient empêché cet athlète exceptionnel de remplir toutes ses promesses par la suite.

J’étais entouré de partisans anglais et, après le but d’Owen, j’ai bien cru que le stade allait exploser. J’ai vécu des matchs Canadiens-Nordiques et j’ai même assisté à la demi-finale de la Coupe du monde de hockey entre le Canada et la Suède au défunt Colisée de Québec, et je peux vous dire que ça n’a rien à voir avec la folie de la Coupe du monde de soccer.

Mais voilà, les Roumains ont trouvé la meilleure façon de faire taire les partisans survoltés de l’autre équipe. Sept minutes après le but d’Owen, Dan Petrescu a trompé le gardien David Seaman. Les joueurs anglais ont bien essayé de marquer dans les minutes suivantes, mais le mal était fait. Les partisans anglais ont quitté le stade en silence, encore sous le choc.

L’autre moment marquant, c’est un match que je n’ai pas vu. Les Japonais avaient acheté quelques milliers de billets dans leur pays pour assister aux matchs du groupe H dans lequel jouait leur équipe nationale. Ce n’est qu’à leur arrivée en France qu’ils se sont rendu compte qu’ils avaient été fraudés. Le match le plus attendu des partisans nippons était celui contre la puissante Argentine. D’autant plus que les espoirs du Japon de poursuivre l’aventure au-delà des matchs de pool étaient presque nuls. Au cœur de la ville, tous les revendeurs cherchaient des billets pour ce match afin de satisfaire leurs clients fortunés. Mon père et moi en avions chacun un, mais jamais nous n’aurions pensé les vendre. Malgré tout, par curiosité, on a demandé à un des revendeurs quel prix il était prêt à payer. Quand il a dit le montant – 2 000 $ le billet ! –, on a d’abord cru avoir mal compris. Mais il a confirmé le prix. On n’a pas eu à se consulter bien longtemps avant d’accepter.

Pour conclure la transaction, le gars voulait nous amener dans une petite ruelle. Mon policier de père m’a donné une mission : je devais protéger son dos alors qu’il s’occuperait du danger qui arriverait de face. Ça a duré une ou deux minutes, mais ça m’a paru une éternité. Une fois qu’on a eu l’argent en poche, on a pris plein de petits chemins pour s’assurer que personne ne nous suivait jusqu’à l’hôtel. Rendus là, on a pu soupirer d’aise.

Le lendemain, il pleuvait pendant le match et, de ce que j’en sais, la partie a été moche, une victoire de 1 à 0 de l’Argentine. Pendant ce temps, nous étions au cinéma pour voir Deep Impact, un film tout aussi moche, mais qui n’avait coûté que 10 $ et, au moins, on était à l’abri de la pluie.

Depuis, je suis religieusement la Coupe du monde. En 2002, je soutenais le Brésil et Ronaldo qui faisait un retour en force. En 2006, j’aurai aimé un retour au sommet pour Zidane et l’équipe de France. Ça a passé à un coup de tête près. En 2010, je suis tombé en amour avec la formation des Pays-Bas (surtout pour enrager Christoph, un étudiant allemand qui a vécu un an à la maison). Cette année, j’aime toujours autant le jeu offensif des Pays-Bas, j’aimerais bien que le Brésil gagne à domicile, je suis heureux de voir le retour en force de la France… mais mon cœur penche du côté de l’Allemagne… peut-être juste parce que je m’ennuie de Christoph.

On se revoit en août. D’ici là, profitez bien de votre été.