C’était le 23 décembre 2003. Mon père, un policier, un homme de fer, rentrait à l’hôpital pour une opération d’urgence. Il devait se faire enlever une partie importante du gros intestin rongé par le cancer. Jusqu’à ce jour fatidique, nous ignorions même qu’il souffrait du cancer. Il était allé deux ou trois fois rencontrer des médecins, mais personne n’avait poussé les tests plus loin. Il faut dire que c’était un homme dur de son corps, alors quand on lui demandait si ça faisait mal, il répondait : « Pas tant que ça! »
Ce que les médecins ignoraient, c’est que pour cet homme, « Pas tant que ça! », c’était beaucoup. On parle ici de quelqu’un qui s’était en partie éventré lors d’un accident de chasse – en montant dans sa cache, un des barreaux de l’échelle de fortune avait lâché et, dans sa chute, un clou qui dépassait lui avait déchiré l’abdomen – et qui, au lieu d’aller à l’hôpital, c’était tapé une heure de route pour revenir à la maison… Quand elle l’a vu, mère l’a conduit en vitesse à l’urgence.
Mais bon, revenons à décembre 2003. Je me souviens qu’on était loin du Noël blanc. Il pleuvait tous les jours à Québec. Et, pour moi, il pleuvait même quand je rentrais dans la maison. Je me souviens d’un Noël sans joie, alors que mon père récupérait de son opération. Je me souviens d’un Jour de l’an sans mots, alors que j’écoutais Indiana Jones avec ma mère au lieu de profiter des fêtes en famille.
Même si son cancer était particulièrement vicieux et virulent, mon père est rapidement revenu à la maison. Homme de défis, il s’est passé des antidouleurs dans un temps record et s’est mis en tête de regagner la forme le plus vite possible.
Et, pendant un moment, à mesure qu’il reprenait du poids et qu’il retrouvait sa masse musculaire, on s’est mis à y croire. Vraiment. Si quelqu’un pouvait guérir, c’était lui. Mais la vie n’a rien d’un film où les leçons de courage sont récompensées. Les résultats n’ont rien eu d’heureux : une biopsie a révélé que les métastases se propageaient et les médecins comptaient son espérance de vie en mois… voire en semaines.
Il a affronté cette épreuve avec courage : chimio, pilules, traitements divers. Chaque semaine, chaque jour, il s’assurait de rencontrer des gens qu’il aimait. Et il prenait le temps de le leur dire. Il n’a pas vécu sa maladie renfermé sur lui-même. Il a gardé un moral à toute épreuve et nous a donné une leçon de vie. De quelques semaines, il a finalement tenu une autre année avant de s’éteindre en février. Il n’avait que 57 ans. Quand on est enfant, on s’imagine qu’à 57 ans, on est un vieillard. Quand on vieillit, on réalise que c’est quelqu’un dans la force de l’âge.
Il y a eu des moments durs, des moments de doute, mais ce qui lui permettait de tenir, ce sont les objectifs qu’il se donnait. Des petits (soupers, petites sorties) et des plus grands (dans sa dernière année, il est allé en France et à New York avec ma mère, à Boston avec moi et pêcher dans le Nord québécois avec mon frère).
Mon plus grand regret, c’est qu’il n’ait jamais connu ses petits-enfants. Au moins, il a connu celle qui est devenue par la suite ma femme et la mère de mes trois garçons. Malgré tout, je persiste à croire que tous les petits-enfants devraient avoir la chance de connaître leur grand-père. Mais dans mon cas, la seule façon de le garder vivant et de permettre à mes enfants de le connaître, c’est à travers mes souvenirs.
Cet hommage, que je leur dédie autant qu’à mon père, tombe bien avec la fête des Pères qui aura lieu le 7 juin, mais aussi avec le Relais pour la vie le week-end prochain.
Le 31 mai, au parc Shipyard à Whitehorse, des gens vont marcher entre midi et minuit. D’ailleurs, des marches du genre auront lieu un peu partout au pays. Tous les sommes recueillis serviront à la lutte contre le cancer.
Pour avoir assisté à des Relais pour la vie en Beauce, je peux vous dire que c’est un moment très émotif, surtout le tour des survivants qui lance l’activité. Ensuite, pendant 12 heures, les gens marchent en souvenir des êtres chers qui sont partis et pour s’assurer que les recherches se poursuivent pour qu’un jour, le Relais pour la vie n’ait plus sa raison d’être. Mais ce n’est pas une journée mortuaire, c’est une journée d’espoir et également un événement familial, avec jeux gonflables, nourriture et maquillage.
Je vais faire partie de l’équipe francophone, « Les Za-pleines-dents »… Je n’ai pas l’habitude de faire de l’autopromotion dans ces pages, mais je crois que la cause va bien au-delà de moi. J’ai parlé de mon père, mais je suis convaincu que chacun ou chacune d’entre vous à son histoire liée au cancer. Heureusement, de plus en plus d’entre elles se terminent bien. Si vous voulez que l’on gagne du terrain dans la lutte contre cette terrible maladie, je vous invite à faire des dons. Ça peut se faire par l‘entremise des membres de l’équipe francophone ou par d’autres participants. Mieux encore, je vous invite à participer vous-mêmes ou à venir sur place, cette année ou lors d’une prochaine édition. On peut faire des dons en ligne sur le site du Relais pour la vie.