le Vendredi 22 septembre 2023
le Mercredi 5 mars 2014 10:44 Éditoriaux

Définir le Franco-Yukonnais

Ça fait un moment que je voulais écrire un éditorial sur mon expérience de nouvel arrivant au Yukon. Mais je ne trouvais ni le ton ni l’angle d’approche. Jusqu’à ce que je voie le documentaire « Yukon parle français » qui sera présenté gratuitement à Whitehorse le 5 mars à 19 h 30 au Old Fire Hall, et à Dawson le 7 mars à 20 h au Café Alchemy.

Le film prend le parti de mettre l’accent sur des individus; de raconter des histoires et non l’histoire. Le fil conducteur du documentaire vient des témoignages de différentes personnes. On retrouve des visages connus et non des analyses de spécialistes ou des discours officiels. Et c’est bien, car ici, l’histoire s’écrit dans le présent.

Et pour moi, c’est une excellente idée, car c’est ça le Yukon : une foule d’histoires différentes qui ont toutes quelque chose de commun. Ce caractère unique se retrouve dans la folie (dans le bon sens du terme), la passion et le besoin de liberté des Franco-Yukonnais (et des Yukonnais en général). Ici, le mode de vie est différent. Ce n’est pas tant ce que tu gagnes ou ce que tu fais qui importent. Les gens passent plus de temps à réussir leur vie qu’à réussir dans la vie. Tous les aspects prennent donc leur importance : le travail, oui, mais aussi la famille, les amis, les loisirs, etc.

Quand mes amis me demandent ce que j’aime le plus ici, je réponds invariablement « les gens ». Lorsqu’ils me demandent d’en dire plus, j’ajoute que les gens sont chaleureux, faciles d’approche. Mais, bien que ce soit vrai, ce n’est pas une réponse complète. Après tout, les gens sont généralement gentils partout. Alors, qu’est-ce qui définit le Franco-Yukonnais? Après avoir vu le documentaire, j’ai quelques pistes de réponse supplémentaires. Ici, tout le monde est un artiste. Et même ceux qui ne pratiquent aucune forme d’art ont une fibre artistique prononcée. On sent ici un grand respect des autres. Les gens nous acceptent tels que l’on est. Il y a aussi un besoin de liberté plus grand qu’ailleurs qui s’explique, entre autres, par le fait que la plupart des Franco-Yukonnais sont, à la base, des voyageurs. Et c’est ce caractère de nomades devenus temporairement sédentaires qui explique aussi pourquoi plusieurs ne font que poser leurs valises ici avant de repartir ailleurs. Car cela fait aussi partie du caractère yukonnais : ici, rien n’est immuable.

Cela ajoute un des plus grands attraits du territoire pour moi : le Yukon est l’endroit idéal pour se réinventer. Tu veux devenir comédien : fais-le. Tu veux travailler en éducation : il y a de la place. En fait, les occasions sont innombrables pour quelqu’un qui est prêt à travailler.

Quand on parle du Yukon, on ne peut passer sous silence les magnifiques paysages de la nature presque sauvage qui nous entourent. Le documentaire laisse parler les images par moment, mais n’oublie jamais l’essentiel : ce qui fait le Yukon, c’est les gens qui y habitent. Parce que de la beauté, il y en a partout (ou presque).

Ce que j’ai découvert au Yukon et que je ne pouvais pas voir au Québec dans un milieu où le français est majoritaire, c’est que le français est plus qu’une langue. C’est une identité. Et ici, au Yukon, il n’y a pas une langue française, mais plusieurs. Plusieurs accents, plusieurs origines.

La présence francophone au Yukon n’est pas anecdotique. Elle n’a pas pris naissance avec l’Association franco-yukonnaise. Elle est liée à la première présence de l’homme blanc dans ce territoire. Et on en trouve encore des traces dans la toponymie des lieux…

Finalement, quand mes amis au Québec vont me demander ce que j’aime ici, je crois que je vais encore répondre : « Les gens ». Parce que la réponse longue est vraiment trop longue… À moins que je ne leur envoie cet éditorial!