L’image de l’homme en maitre du gril, bière à la main, est solidement ancrée dans l’imaginaire collectif. Une représentation renforcée par les médias, les publicités et les pratiques familiales et sociales, qui perpétuent l’idée que la cuisine en plein air est un domaine masculin par excellence, tout en assignant aux femmes des rôles de soutien en périphérie de cette activité.
Cette association entre la viande et la masculinité trouve son origine dans des temps anciens où les hommes chassaient pour nourrir la tribu, une tâche exigeant force et courage.
De nos jours, même si la chasse a été remplacée par l’élevage et la commercialisation de la viande, ces symboles persistent. Une enquête récente de l’IFOP révèle ainsi que 78 % des hommes en couple s’occupent plus souvent du barbecue que leur conjointe, dont 41 % de façon exclusive, soulignant ce quasi-monopole masculin.
Dans de nombreuses cultures, la consommation de viande, surtout de viande rouge, est considérée comme un signe de puissance et de masculinité. Cette idée est renforcée par des publicités et des médias qui dépeignent souvent des hommes forts consommant des steaks saignants.
En revanche, les femmes sont souvent associées à des régimes alimentaires plus « légers » ou « sains », comme les salades ou les plats à base de légumes, perpétuant ainsi l’idée que les femmes doivent surveiller leur alimentation et leur silhouette.
Le sexisme passe à table
Plus généralement, les stéréotypes de genre influencent la consommation de viande. Plusieurs études montrent que les hommes ont tendance à consommer plus de viande que les femmes, souvent pour affirmer leur masculinité.
Cette surconsommation peut entrainer des conséquences néfastes sur leur santé, augmentant les risques de maladies cardiovasculaires, de cancer colorectal et d’autres problèmes de santé liés à un régime alimentaire trop riche en viande rouge et transformée.
En outre, le régime alimentaire des hommes émet 41 % plus de gaz à effet de serre que celui des femmes, principalement en raison de leur consommation importante de viande. La réduction de la consommation de viande est donc également cruciale pour limiter les dérèglements climatiques.
Les femmes, quant à elles, subissent une pression constante pour maintenir une alimentation équilibrée et contrôler leur poids. Cette pression est exacerbée par des standards de beauté irréalistes qui valorisent la minceur.
Ainsi, lorsqu’une femme choisit de consommer de la viande, surtout en grande quantité, elle peut être perçue comme transgressant des normes sociales. Cette transgression peut entrainer des jugements et des commentaires, soulignant une fois de plus la manière dont les choix alimentaires sont genrés.
Dans son livre Faiminisme, quand le sexisme passe à table, la journaliste française Nora Bouazzouni explore comment l’alimentation et les comportements alimentaires sont traversés par des rapports de pouvoir et des stéréotypes sexistes.
Elle montre comment la table devient un lieu où se rejouent les inégalités de genre. Bouazzouni explique que la société impose aux femmes un contrôle de leur alimentation non seulement pour correspondre à des idéaux de beauté, mais aussi pour perpétuer des dynamiques de domination masculine.
Pour briser ces stéréotypes, il est essentiel de promouvoir une vision égalitaire de l’alimentation.
Cela passe par l’éducation et la sensibilisation aux rôles genrés et à leurs incidences. Encourager les hommes à s’investir dans la préparation de repas variés, et non seulement au barbecue, et soutenir les femmes dans leurs choix alimentaires sans jugement sont des étapes cruciales.
De plus, valoriser les régimes alimentaires variés et équilibrés pour tous, indépendamment du genre, peut aider à déconstruire ces stéréotypes.
Cet été, réinventons le barbecue. Faisons de cet espace un lieu de partage et d’égalité, où chacun, sans égard à son genre, peut s’exprimer et participer librement.
En remettant en question les stéréotypes de genre liés à la consommation de viande, nous pouvons créer des dynamiques plus équilibrées et inclusives, non seulement autour du gril, mais dans tous les aspects de notre vie quotidienne.
Originaire de Belgique, Julie Gillet est titulaire d’une maitrise en journalisme. Militante éprise de justice sociale, voici près de quinze ans qu’elle travaille dans le secteur communautaire francophone et s’intéresse aux questions d’égalité entre les genres. Elle tire la force de son engagement dans la convergence des luttes féministes, environnementales et antiracistes. Elle vit aujourd’hui à Moncton, au Nouveau-Brunswick.