Parce que les femmes doivent constamment s’adapter au monde qui les entoure et se conformer à des diktats patriarcaux, il leur est souvent difficile de se sentir en confiance dans leur quotidien. Ce constat peut être accentué dans une communauté minoritaire comme la franco-yukonnie. Cette réalité qui nous est propre comporte son lot de défis et enjeux sur l’accès à la santé, l’immigration, la santé mentale, l’isolement, l’accès au logement, etc.
L’importance d’un espace sécuritaire
La mise en place d’un espace sécuritaire, ou plus communément connu sous l’appellation safe place, permet à toute personne de se sentir en sécurité, tant mentale que physique, dans un endroit défini. Il y est, en effet, possible de libérer sa parole, d’être authentique, d’être dans le partage sans honte ni jugement parce que le maître mot de cet espace est la confiance.
Les enjeux d’identifier l’existence d’un tel espace autour de soi sont considérables, notamment lorsqu’on appartient à une minorité ou qu’on s’identifie en tant que femme. Dans une société qui leur rappelle sans cesse de surveiller leurs paroles, leurs actes ainsi que leur manière de s’habiller et de se comporter, ce contrôle permanent disparaît dans un espace sécuritaire, car ces personnes peuvent alors s’autoriser à être elles-mêmes.
Il n’y a pas meilleure source d’empowerment que d’identifier un espace sécuritaire pour soi-même, parce qu’on se sent plus fort·e, plus courageux·se, plus motivé·e et (re)gonflé·e à bloc lorsqu’on fait partie d’un collectif. Le « moi aussi » a un côté fédérateur parce qu’on sait désormais qu’on n’est pas seul·e et qu’on partage des défis similaires.
Enfin, le fait de savoir qu’on est pris·e·s au sérieux et que nos expériences ne sont pas banalisées a un fort impact sur le bien-être général en baissant considérablement le niveau d’angoisse.
Vivre dans une communauté francophone aussi petite que celle du Yukon peut révéler des défis de taille, car il n’est pas rare de partager, ensemble, de multiples combats d’oppression : l’âge, le parcours d’immigration, l’orientation sexuelle, la race, l’éducation, etc. Alors quand une femme franco-yukonnaise peut avoir un espace où croiser d’autres femmes comme elle avec plusieurs similitudes, cela renforce son sentiment d’être comprise et valorisée.
La diversité est un fait, mais l’inclusion est un choix
L’importance d’un espace sécuritaire prend encore plus son sens quand la notion d’inclusion est prise en compte et qu’on y traite l’ensemble des personnes de manière équitable.
L’équité désigne une démarche pour corriger les désavantages historiques existants entre des groupes. À titre d’exemple, selon l’UNESCO [Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture], l’équité entre les sexes signifie un « traitement différencié, visant à rétablir l’équilibre entre les genres, et accordé aux femmes ou aux hommes afin de compenser le déséquilibre historique et social qui les empêche de participer activement et de façon égale au développement de leur société. »
Cela implique de prendre en considération les différences et de se donner les moyens d’amoindrir les obstacles ou de répondre aux besoins spécifiques. Pour ce faire, il semble nécessaire de reconnaître la diversité des personnes qui composent la communauté franco-yukonnaise, car l’inclusivité implique que ce soit à l’environnement de s’adapter à la diversité et non à la population minoritaire de s’adapter en continu à l’environnement dans lequel elle évolue.
L’inclusivité, c’est aussi donner toute leur place, dans les revendications portées par la communauté, à des enjeux qui concernent spécifiquement les femmes racisées, parce qu’elles sont à l’intersection du racisme et du sexisme.
L’enjeu est de taille, car le racisme et le patriarcat font jeu commun. Par exemple, dans le champ des violences faites aux femmes, des études ont démontré que le système judiciaire tend à prendre moins au sérieux les femmes racialisées. De plus, ce dernier ne semble pas considérer le racisme comme étant une circonstance aggravante. Cette lacune pourrait faire l’objet d’une revendication importante.
Si les combats féministes concernent en général toutes les femmes, alors l’inclusivité est d’œuvrer pour les batailles communes, sans oublier de se positionner comme allié·e sur des combats qui ne nous concernent pas personnellement. Et c’est, avant tout, de le faire ensemble.
C’est ainsi que les Franco- Yukonnaises pourraient se sentir en sécurité, qu’on ferait de la communauté franco-yukonnaise un espace sécuritaire qui serait à l’écoute de leurs besoins pour qu’elles puissent contribuer pleinement à la collectivité.
Chez les Essentielles, nous nous efforçons de créer un espace plus inclusif et moins oppressif pour toutes les identités des personnes qui bénéficient de nos services. C’est un travail de tous les jours et qui ne sera jamais réellement terminé. Nous sommes cependant enthousiastes à l’idée d’offrir un espace de plus en plus inclusif!
Les Essentielles représentent les intérêts des Franco-Yukonnaises. Élodie Bernard a écrit cette chronique en tant qu’agente de communication de l’organisation.